Présents : André, Christine, Marina, Mathieu, Stéphane
Un premier tour de table pousse chacun à exprimer sa propre expérience du rire associé à la liberté.
Mathieu évoque ainsi son expérience d’éducateur avec des personnes handicapées mentales où le rire est un moyen de communication privilégié. Le rire peut en effet être apte à faire sauter les cloisons, les hiérarchies, les différences, faire lien. Il évoque aussi le rire, l’absurde comme moyen d’expression total et critique. C’est l’engagement de Dada, dans l’entre-deux guerre par exemple « Dada crache tout, dada soulève tout » disait le manifeste…
Marina se présente comme une personne qui rit beaucoup mais qui est très mal à l’aise quand il s’agit de « rire contre ». Cette réflexion introduit dans le groupe une conceptualisation du « rire avec », « rire de » et « rire contre ». « Rire contre » est un rire exclusif qui s’appuie sur une connivence, des sous entendus que ne partage pas tout le monde. Marina introduit aussi un questionnement sur la place du savoir. Le savoir peut-il être critique quand il est de part sa forme même déjà consensuel et intégré ? « La pensée unique est aussi dans la forme » dans la manière de penser. Il est donc essentiel selon elle de rester soi-même, d’être au plus prêt de soi-même, de son vécu pour être sincère et donc pouvoir produire une critique.
Christine, ancienne de la maison verte souligne que pour elle « résistance et liberté ne vont pas toujours ensemble ». En effet, elle montre qu’on peut aussi résister à la liberté, que le dogmatisme est une résistance à la critique et au changement. Elle rappelle également que la liberté est un terme ambivalent entre une liberté de penser en théorie illimitée et une liberté de faire toujours limitée.
André, qui travaille à l’espace éthique protestant nous fait part de sa propre expérience dans laquelle de part ses activités de soutient à un groupe américain de respect des droits de l’homme, il a été mis sur écoute pendant une grande période de sa vie. Cet exemple pour nous rappeler que la liberté de penser est un acquis précaire et toujours un enjeux concret. Il distingue ensuite entre trois caractéristiques de l’humour : l’humilité, c’est-à-dire qu’on peut rire de soi, ce qui est le mieux ; l’agressivité, on peut rire contre ; la culture, l’humour est une affaire culturelle, on ne peut pas rire de tout et pas avec tout le monde !
Enfin, Stéphane est venu avec des choses à montrer : les chroniques radio de Stéphane Guillon, le tribunal des flagrants délires avec Pierre Desproges lorsqu’il reçoit Jean-Marie Le Pen. Il formule un problème : comment rire des minorités et des opprimés (Noirs, Arabes, femmes…) Il nous rappelle aussi l’étymologie du terme humour, qui a la même racine qu’humeur, les humeurs étant les liquides présents dans le corps selon la médecine prémoderne. De même l’humour « peut liquéfier les puissants ».
Le questionnement suivant est celui du « tiers implicite » dans le rire, la part non dite de la blague, les références sous entendues, les liens de connivence induits, il est intéressant de s’interroger sur ces non dits pour saisir la porté d’une blague et de l’humour. Par rapport aux exemples présentés par Stéphane, une interrogation sur le rôle des comiques se fait jour : ont-ils un rôle de subversion ou sont-ils au contraire des soupapes, des bouffons qui permettent que l’ordre social n’explose pas ?
Rendez-vous est pris pour le 6 décembre à 19h, à la Maison verte ! André nous parlera plus en détails de son expérience de la liberté de pensé, Marina nous parlera du régime de Franco et Mathieu évoquera la démarche artistique de Dada.