Monsieur le Président, vous dîtes que vous y croyez beaucoup et vous la reprenez dans votre discours sur la lutte contre la pauvreté. Mais vous proposez une métaphore qui n’est pas du tout « vive » comme le disait Paul RICOEUR. Au contraire, votre métaphore est juste l’expression de stéréotypes et ne génère aucun renouvellement des points de vue.
Stéréotype, l’idée que c’est l’entrepreneur qui serait le premier de cordée, ou le riche – ce qui est encore pire et vient confirmer votre image de président des riches.
Stéréotype, l’idée que c’est le riche qui tire toute la société et que les autres ralentiraient.
Pourquoi, dans un discours sur la pauvreté, ne vous vient-il pas à l’idée que c’est le pauvre qui est le premier de cordée, celui qui doit trouver un chemin pour grimper, pour faire vivre sa famille, mais aussi celui que l’on oblige à grimper à la paroi la plus difficile.
Ou encore, vous pourriez considérer que toute société se juge à la manière dont elle traite les pauvres. Et donc que le premier de cordée est bien le pauvre.
Ou enfin vous pourriez suggérer que notre société survit à cause de ses inégalités, et du travail obscur (ou de l’acceptation du chômage) des plus pauvres. Et que ce sont les riches, avec leur désir de toujours plus qui sont un poids pour tous.
Vous pensez peut-être que je refuse de vous comprendre ? Mais j’ai aussi écouté une autre partie de votre discours. Il dit : Je crois au fond à trois projets indissociables : le projet productif pour créer des emplois , un projet éducatif et un projet solidariste, qui fait que chacune et chacun doit considérer qu’une part de notre place dans la société est un peu d’aider l’autre. C’est bien la priorité économique et même productiviste qui vous anime. Triste révélation supplémentaire de votre soumission aux forces économiques qui sont aujourd’hui des forces financières. Mais ce qui me frappe c’est votre compréhension d’un « projet solidariste ». Le solidarisme, ce serait d’un peu aider l’autre. Voilà qui ferait se retourner dans leurs tombes les solidaristes du siècle dernier. Il s’agissait pour eux d’abord que nous reconnaissions ce que nous devons aux autres, aux apports des générations précédentes, au travail de nos contemporains, et d’organiser une économie plus coopérative où chacun puisse trouver sa place. Il ne s’agissait pas de condescendre à aider – un peu – l’autre.
Arrêtez cette métaphore qui augmente les prétentions des riches et le mépris des pauvres. Cherchez donc avec vos communicants une métaphore vraiment « vive », qui anime les uns et les autres.