Quelle belle unité ! Les représentants des institutions catholiques, protestantes, juives et musulmanes ont pris position contre le mariage pour tous. Leur volonté de se grimer en sages soucieux de préserver la paix civile – qui la menace ? – nous ferait presque sourire. Ils appellent à un débat qui n’aurait pas eu lieu ? Non seulement, il n’a cessé dans la société depuis au moins 33 ans – première bénédiction d’un couple de femmes en France par un pasteur – mais ces institutions sont bien mal placées en la matière : ont-elles su développer dans leurs communautés – où les portes restent la plupart du temps fermées aux personnes lesbiennes, gays, bi ou trans (LGBT) – ce « large débat », prenant en compte « les opinions et les expériences de tous » qu’elles demandent aux autorités élues quand, au mieux, elles reçurent les associations gays et lesbiennes chrétiennes une fois leur position rendue publique ? Où a-t-il eu lieu ce débat quand la Fédération protestante ne demanda même pas l’avis des églises et associations qui la composent ?
Si les institutions religieuses veulent être crédibles, qu’elles commencent par organiser en leur sein une conférence où toutes les personnes croyantes pourraient participer et où l’écoute et le respect des différentes positions seraient assurés. Elles disent tout d’un coup rejeter l’homophobie : mais n’est-ce pas la Fédération protestante et la Conférence des évêques qui il y a deux ans nous refusèrent leur signature à un appel pour la fin des violences homophobes dans le monde ?
Nous nous amuserions presque de les voir en appeler à l’écoute des experts des disciplines des sciences humaines alors que depuis des années elles s’appuient uniquement sur certains courant de la psychanalyse et de l’anthropologie pour s’en prendre hier au genre dans les manuels scolaires, aujourd’hui au mariage pour tous. Mais pourquoi nos frères (pas beaucoup d’altérité là dedans...) ne nous parlent-ils pas des disciplines dont ils sont experts : bibliques, théologiques ? Est-ce parce que la défense de leur point de vue les obligerait à utiliser des manières de lire les textes sacrés – littéralistes, homophobes... – tellement dépassées qu’on ne les enseigne même plus dans leurs propres instituts de formation ? Parce qu’ils auraient bien du mal à trouver dans la Bible la fameuse famille millénaire qu’ils défendent ? Jésus n’est pas vraiment né dans une famille « normale »... Nous nous amuserions de tout ça si ces prises de position ne blessaient de nombreuses personnes, pas seulement les personnes homosexuelles. Nous souririons de cela si cela ne traduisait pas une inquiétante course, très politique, peu évangélique, des institutions religieuses derrières leurs extrémistes respectifs : salafistes, évangéliques de droite, intégristes d’extrême-droite...
Nous, nous n’avançons pas cachés. Nous parlons en chrétiens et chrétiennes et notre lecture de la Bible nous fait dire « oui » au mariage pour tous et nous fera animer un cortège de croyants dans la manifestation nationale du 16 décembre à Paris. Dans les récits de la Bible, nous trouvons non seulement une diversité des formes familiales – depuis des millénaires ! – mais la promotion des valeurs d’alliance, de justice, de protection des plus faibles, d’amour sans condition. Qu’est-ce donc que « le mariage pour tous » (et demain, nous l’espérons, l’ouverture à la procréation médicalement assistée ou le statut des beaux-parents) sinon mettre du droit, donc de la protection du plus faible (les enfants, le conjoint quitté ou plus faible économiquement en cas de séparation) dans la diversité déjà existante des familles ? Qu’est-ce que la fin d’une discrimination sinon la reconnaissance de la société pour tous ses citoyens, traduction dans l’ordre civil de l’amour inconditionnel de Dieu pour tous ses enfants ? Ouvrir le mariage n’est-ce pas promouvoir la valeur d’alliance face à l’égoïsme destructeur d’une économie devenue folle ? Sommes-nous des exceptions parmi les croyants et les croyantes ? Nous ne le croyons pas.
Un appel à faire entendre que « sur le mariage, l’Église aussi est diverse » a été lancé par plus de 1 300 personnes : élus, théologiens, pasteurs et prêtres, responsables associatifs et simples croyants. « Quatre vingt quinze thèses » théologiques pour le mariage pour tous ont été signées par presque 300 personnes dont de nombreux pasteurs et théologiens. Quand nous parlons autour de nous, nous sommes surpris de constater que le projet de mariage pour tous est soutenu par des personnes auxquelles nous ne nous attendions pas. Et ce n’est pas étonnant : les chrétiens et les chrétiennes sont dans la vie. Nombreux sont celles et ceux qui ont dans leur entourage une personne LGBT. Cette rencontre les a souvent fait changer, évoluer, se questionner. Bref, se convertir au sens le plus évangélique du terme : quand l’amour prend le dessus sur le jugement, la vie sur l’enfermement dans la honte et le placard alors les personnes meurtries par l’homophobie renaissent. Et vous, responsables d’institutions religieuses, vous laisserez-vous interpeller et convertir ?