Intervention de Stéphane Lavignotte, pasteur, inspirée par l’appel de La Mission populaire évangélique à participer à ce Global Rosh Hashanah :
La Mission populaire évangélique de France, réseau protestant de douze lieux de vie et de lutte en milieu populaire, répond positivement avec joie et gravité à l’invitation lancée par l’UJFP, Tsedek et kessem à partager Rosh Hashanah 5785.
Parce qu’il y a de la douleur, nous avons l’espérance que devant nous, une année vraiment nouvelle s’ouvre.
Dans l’esprit du Tachlikh, avant de rentrer dans un nouvel an, nous jetons à l’eau ce qui nous retient dans l’année précédente. Et d’abord notre tristesse profonde de n’avoir empêché des drames.
L’attaque terroriste du Hamas contre des civils juifs israéliens le 7 octobre 2023. La violence inouïe de l’offensive de l’armée israélienne dans la bande de Gaza qui a tué plus de 40.000 personnes dont de très nombreux enfants et semé la désolation sur ce petit territoire surpeuplé et a plongé les populations palestiniennes dans une situation dramatique alors que les colons déchaînent leurs exactions en Cisjordanie. Et un grand nombre d’otages israéliens restent prisonniers du Hamas.
Comme chrétiens, nous portons aussi le regret de n’avoir pu arrêter l’action de ces nombreuses organisations chrétiennes et notamment protestantes qui encouragent la violence la plus brutale de l’État israélien au nom d’un messianisme dévoyé.
Il est urgent qu’un état palestinien voit enfin le jour et que la région retrouve la paix et la justice. Il est temps que là aussi, comme le dit notre Charte, « la justice remplace l’oppression, l’équité remplace l’exploitation, le partage remplace le pillage, la dignité remplace le mépris ».
La Mission populaire évangélique est sensible aux échos de cette situation dans certains quartiers où elle est implantée. Elle salue le courage de l’UJFP et de Tsedek de dire en tant que juifs leur solidarité avec le peuple palestinien et d’affirmer leur refus des politiques colonialistes et nationalistes des gouvernements israéliens. Elle considère que cette initiative peut permettre le dialogue et la rencontre dans la richesse de nos diversités culturelles et religieuses là où nous habitons.
Là où nous habitons. Nous faisons nôtre la belle idée de DoyKayt, l’Ici-té dont ce revendiquent les organisateurs de cette soirée : s’enraciner dans sa terre natale et revendiquer le droit d’y vivre. Pour toutes et tous. J’y suis, j’y reste, je ne partirai pas, comme nous le scandons avec nos frères sans-papiers. La belle idée de DoyKayt, l’Ici-té fait écho à l’histoire de la Mission populaire. À la suite de Jésus de Nazareth qui rejoignait les exclus, la Mission populaire s’est portée pour s’y installer sur les frontières intérieures de l’Ici-té : celles du monde ouvrier éloigné des églises, des enfants juifs cachés par le pasteur Jousselin et les éclaireurs unionistes de la Fraternité de la Maison verte pendant la seconde guerre mondiale, des communautés LGBTQIA+ rejetées par les églises, la frontière des agnostiques et des non-croyants en recherche d’une spiritualité non dogmatique, celle des milieux populaires relégués dans les banlieues, des migrants rejetés et brutalisés par les politiques criminelles de l’Europe… Cette histoire nous oblige et tresse l’histoire de nos luttes avec les luttes de celles et ceux qui souffrent. Notre place est sur ces frontières pour les voir devenir lieu de rencontre, d’enrichissement et d’émancipation pour créer notre identité diasporique loin des dangereux fantasmes de l’uniformité.
C’est pourquoi nous sommes heureux de contribuer à ce Rosh Hachana 5785 qui voit des militants politiques juifs pour la justice sociale et l’émancipation se réapproprier et renouveler leurs traditions spirituelles, des personnes juives, ici, dire leur solidarité avec les palestiniens, là-bas, et avec d’autres spiritualités, ici. Nous nous sentons bien sur cette frontière où les murs deviennent pont et deviennent front, front commun.
Nous aimons le symbole choisi pour ce Rosh Hashana 5785 de la Grenade, fruit de Palestine où les pépins vivent en communauté et cohabitent en son sein, unis, prenant la forme des autres en mûrissant. Mûre et sucrée – mais un peu amère - la grenade s’ouvre pour révéler son cœur. Il est alors temps de laisser les grains se libérer de leur enclave.
L’image de la grenade nous rappelle celle des châtaignes qui grandissent dans une bogue bien piquantes. Deux fruits grandissent ensemble dans un espace très réduit et eux aussi se donnent leur forme l’un l’autre – comme le font dans le sang et la douleur Israél et Palestine. Une fois mûre, la bogue s’ouvre et libère deux fruits qui s’offrent pour devenir farine, pain, gâteaux. Que se hâte le temps où la chataîgne sera mûre.
Cachés au XVIIe siècle dans les vallées escarpées des Cévennes fuyant la répression de la royauté - lieu et période qu’on a appelé le Desert en référence au Sinaï traversé par les hébreux en route pour leur libération - les huguenots se nourrissaient de ces chataignes. On disait qu’avec trois chataignes dans la poche, on était sauvé de la faim.
Grenade ou chataîgnes, ces fruits disent nos interdépendances et les liens qui libèrent.
Ces fruits sont aussi nourriture pour notre espérance. Espérance que l’intelligence et la fraternité seront plus fortes que la division et la haine. Espérance qu’aujourd’hui sur l’ancienne terre de Palestine les peuples trouvent le chemin du dialogue et de la paix qui seule leur permettra d’y vivre ensemble dans la justice et l’égalité. Notre espérance que la vie sera toujours plus forte que la mort, ce que manifeste pour nous la Bonne nouvelle (qui se dit évangile en grec) de la résurrection.
Que Dieu vous garde dans cette nouvelle année en marche pour la libération.
Appel international Global Rosh Hashanah :
Du 27 Eloul 5784 au 2 Tishri 5785, du 2 au 4 octobre 2024, du 28 au 30 Rabiʿ Al-Awwal 1446, à - ? avant une ère de Communes-universelle, nous, organisations juives européennes, fêterons Roch Hachana, nouvel an juif en même temps que nous commémorerons presque un an de la guerre génocidaire orchestrée par l’État colonial d’Israël pour annihiler le peuple palestinien.
Cette année, nous célèbrerons ce nouvel an afin que l’année à suivre soit une année de résistance où partout le combat continue pour l’émancipation de la Palestine et la libération juive du projet éthno-nationaliste sioniste.
Ce projet vise à nous rassembler en tant que communautés juives diasporiques autour de la célébration de Roch Hachana : c’est un appel à s’y agréger tout en pilpoulant – mélangeant – nos grains, en formant nos soucoupes et notre plateau.
Inspiré·es à la fois par “Freedom for all seders” & “Global shavouot” du réseau IJCJP, le réseau européen EJP formé suite au Meeting Juif International du 30 mars à Paris, par les volontés de dialogue inter-religieux ayant émergé dans le Bloc Juif des manifestations pour la Palestine de l’an passé, les célébrations religieuses civiles et politiques proposées par Oy Gevalt, les cérémonies des groupes de Marseille et Paris de Tsedek !, du seder de l’UJFP nous proposons de nous retrouver pour Roch Hachana.
,À quelques jours du 7 octobre, à l’invitation de IJCJP (International Jewish Collective for Justice in Palestine), il est l’heure de se saisir de cette occasion pour créer des actions transnationales de résistance au sionisme, qui met en danger les Palestinien·nes mais aussi les Juif·ves. Ce Rosh Hashana international tisse des liens entre nos communautés tout comme il se tresse à nos histoires. Dans une tradition bundiste, chacune des villes où sera célébrée notre résistance dessinera la carte de nos diasporas.
Aujourd’hui, nos luttes rejoignent celles qui sont menées là où nous vivons, là où nous grandissons, dans nos territoires. Cette puissance des luttes sociales décoloniales se construit en s’opposant radicalement à une vision sioniste, nationaliste, épuratrice et souveraine.
En référence à la Doykayt des bundistes,, à nos cérémonies religieuses et aux luttes pour l’émancipation et le mouvement social, nous faisons bloc, contre le banquet de la république autoritaire, de ses politiques racistes et coloniales.
Parmi de multiples traditions, nous mangeons à Roch Hachana les grains de grenade. La grenade est un fruit aux mille histoires et ses pépins vivent en communauté et cohabitent en son sein, unis, prenant la forme des autres en mûrissant.
La grenade est un fruit de Palestine, profondément ancrée dans sa culture paysanne. Au fil des phases de maturation de ses fruits : les raisins deviennent extrêmement sucrés, les figues mûrissent et la grenade s’ouvre pour révéler son cœur. Il est depuis longtemps l’heure de laisser les grains s’étreindre puis se libérer de leur enclave.
La grenade est symbole de renouveau et d’éthique. Elle est symbole du commun et du spécifique, elle est rouge comme le triangle antifasciste et celui du drapeau palestinien, gardant ses grains précieusement pour de futurs jaillissements. Elle contient les prières d’une année de changement, d’introspection et d’engagement.
Nous sommes tous et toutes, les grains de la grenade. Que de ses grains libérés jaillisse le jour d’après.
Ce Roch Hachana sera marqué d’une année sanglante mais également de la célébration de nos espoirs pour la construction d’un monde plus juste.
C’est pourquoi nous vous invitons, individus, organisations, à ramener votre grain, vos plats, vos rituels à cette fête participative : partager à tous et toutes, par la parole ou un autre support les histoires de nos diasporas et tresser nos trajectoires.
Tsedek !, l’UJFP et leurs ami·es vous attendent au Belvédère de Belleville (27 rue Piat, Paris 20e) le 3 octobre de 18h30 à 21h30 pour célébrer un nouvel an de résistance antisioniste interconfessionnel pour la libération de la Palestine.
À l’heure où le discours dominant souhaiterait déchirer nos communautés, soyons fort.es de nos alliances et de notre capacité à œuvrer ensemble. Nous invitons aussi celles et ceux à la maison qui se sentent part de la résistance à politiser leur célébration privée en utilisant les hashtags #RoshHashanahforPalestine #RoshHashanahBeyondBorders #SeedsofResistance et comme toujours, #FreePalestine. Nous proposons aussi à celles et ceux souhaitant relayer un événement d’utiliser le même visuel avec les détails de leur événement – visuel disponible ci-après.