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Appel pour une relance du christianisme social, pour des communes théologiques

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Article publié

Penser le bien commun - journée du 21 octobre 2023

L’eau, bien commun ? par MN et JL Duchène

jeudi 9 novembre 2023, par :

La vie est apparue il y a environ 3,5 milliards d’années, dans les océans (c’est l’hypothèse la plus crédible aujourd’hui) ; tout être vivant est constitué majoritairement d’eau qu’il appartienne au règne végétal ou au règne animal. La teneur en eau d’un être vivant est de l’ordre de 70% ; pour l’être humain c’est 65 %.
Avec l’air, il n’existe pas d’élément naturel plus nécessaire à toute vie que l’eau.

2 croyances irrationnelles du capitalisme ont conduit
  d’une part à voir l’eau comme une marchandise. Une marchandise a une valeur d’échange et un propriétaire.
  d’autre part à la croyance qu’il existe une solution technique à tout problème auquel se trouvent confrontés les êtres humains... même les problèmes qu’ils ont eux-mêmes crées comme la pollution ou l’épuisement des matières premières.
Du 22 au 23 mars 2023, l’ONU a réuni 6 500 participants lors du premier sommet international consacré à l’eau douce. Le secrétaire général Antonio Guterres a affirmé que la planète se trouvait devant une imminente crise de l’eau.
Entre 40 et 50 % de la population mondiale ne dispose d’aucun système d’assainissement de l’eau, un quart n’a pas d’accès à une eau potable sûre, la moitié souffre de pénurie durant une partie de l’année. En 2015 l’ONU avait voté une série de résolutions sur cette question ; mais la conférence de 2023 n’a constaté aucun progrès et a voté une nouvelle série de vœux pieux.

On peut distinguer aujourd’hui des problèmes différents selon qu’il s’agit de l’eau douce ou de l’eau des océans.

L’eau douce, potable ou non.
L’eau potable, bien commun, a des caractéristiques qui la distinguent d’autres biens communs comme l’air ou la connaissance.
Tout d’abord l’usage d’une ressource en eau par un être vivant a un effet sur la quantité́ d’eau disponible pour les autres êtres vivants ; d’autre part tous les êtres vivants doivent avoir accès à la ressource en eau.
La résolution de l’AG de l’ONU du 28 juillet 2010 formalise le droit à l’eau après plus de 50 ans de bataille politique sur cette question.
La résolution dit : « L’accès à une eau potable, salubre et propre est un droit fondamental, essentiel au plein exercice du droit à la vie et de tous les droits de l’homme »
Nous sommes actuellement dans un monde où l’eau est très majoritairement considérée comme une marchandise et un produit technologique.
Le 22 mars 2021, les Nations unies ont célébré la Journée Mondiale de l’Eau autour du thème officiel « la valeur de l’eau ». Ce choix de thème doit nous alerter : de l’idée de valeur à celle de prix, il n’y a qu’un pas ! Or donner une valeur financière à la nature est un phénomène grandissant qui vient d‘atteindre son paroxysme avec l’entrée en bourse de l’élément le plus essentiel pour l’humanité et la vie : l’eau.
Le 7 décembre 2020, la plus grande société mondiale d’échange de produits dérivés financiers, CME Group, a lancé le premier marché à terme de l’eau.
Les impacts des « marchés de l’eau » déjà mis en place dans plusieurs pays sont catastrophiques. Au Chili, des rivières sont mises aux enchères et acquises par des milliardaires qui utilisent les eaux pour irriguer massivement les productions intensives d’avocats ou alimenter les mines tandis que des millions de personnes tentent de survivre à cet accaparement de l’eau qui entraine des sécheresses majeures. En Australie, le marché de l’eau, censé soutenir l’économie tout en empêchant le gaspillage de l’eau, a finalement incité les investisseurs et les industriels de l’agriculture à la spéculation, en fonction des prévisions de pénurie et du prix futur de l’eau, au détriment de l’accès à l’eau des paysans.
Le modèle néolibéral oppose arbitrairement la logique proprement économique, fondée sur la concurrence, la rentabilité, porteuse d’efficacité, et la logique sociale, soumise à la règle de l’équité.
La logique économique ne reconnaît la valeur ni de la personne ni de la planète.
Pollution, surexploitation, marchandisation, accaparements, perturbation des cycles… Autant de pressions que subissent déjà les écosystèmes aquatiques du fait de nos modèles de développement. Dans ce contexte de crise de l’eau généralisée, l’eau de qualité est de plus en plus rare et convoitée : elle devient un placement financier idéal pour les investisseurs puisque chaque personne en a besoin pour vivre, et qu’aucun substitut ne peut la remplacer.
La sécheresse de cette année, liée au réchauffement climatique, se fait sentir en France. Le problème des mégabassines est significatif de la situation actuelle ;. Les mégabassines, ce sont de gigantesques réservoirs d’eau à ciel ouvert, 100 % artificiels. Ces réservoirs ressemblent à d’immenses cuvettes creusées dans le sol. Ils ont une capacité de plusieurs centaines de milliers de mètres cubes. L’eau stockée dans une mégabassine est essentiellement prélevée dans les nappes phréatiques et les cours d’eau. Elle est pompée en automne et en hiver, pendant plusieurs mois, afin d’être utilisée en été.
L’objectif ? Assurer l’irrigation des cultures pendant la saison chaude, même en cas de sècheresse, d’où leur nom officiel de “réserves de substitution”, utilisé par leurs promoteurs et les autorités. La réalité́ est pourtant plus complexe. Les mégabassines sont concentrées autour de plusieurs grosses exploitations agricoles. Elles sont ainsi essentiellement utilisées pour alimenter des productions très gourmandes en eau, comme le maïs, majoritairement destiné à l’élevage industriel. Ces dispositifs servent avant tout les intérêts des acteurs agro-industriels, au détriment des exploitations paysannes qui, elles, sont soumises à de nombreuses restrictions d’eau en cas de sècheresses. Avec plusieurs dizaines de milliers d’euros de financements publics dans divers projets de mégabassines, le gouvernement français fait une fois de plus un choix de modèle qui :
• - accapare l’eau,
• - est incohérent avec les besoins de nos terres,
• - détruit les écosystèmes,
• - aggrave les sècheresses,
• - est inadapté́ au changement climatique.

Que devons-nous faire pour revenir à l’eau douce bien commun ?
Il semble qu’il y ait 3 questions fondamentales à régler :
Premièrement, il faut traiter la question de la démocratie.
La gestion publique ne suffit pas à garantir une gestion démocratique des services d’eau potable et assainissement. Il faut que la prise de décision associe élus, usagers et travailleurs de l’eau.
Deuxièmement, il faut traiter la question du financement.
Comment prendre en charge le coût des services d’eau potable et assainissement ?
La facture individuelle de l’usager basée sur la consommation ne permet pas un accès à l’eau qui soit égal pour tous ; il faudrait que les premiers m3 soient gratuits et que les tarifs des gros consommateurs soient très élevés.
Troisièmement, il faut traiter la question environnementale.
Comment préserver les ressources en eau d’un point de vue quantitatif et qualitatif ?
L’approche retenue actuellement en Europe consiste principalement à culpabiliser et à faire payer l’usager domestique alors que l’agriculture productiviste est le 1er consommateur et pollueur de l’eau.
Seul un changement des politiques actuelles de développement économique et d’aménagement du territoire permettra de s’attaquer efficacement à la question environnementale. Ce n’est pas le « toujours plus ».
Les sécheresses
La Terre s’est réchauffée de 1,1°C depuis l’ère préindustrielle et les actions mises en place pour lutter contre les changements climatiques sont insuffisantes. C’est avec ces constats que débute la synthèse du 6e rapport du GIEC publiée lundi 20 mars 2023. Ce document aussi politique que scientifique met également l’accent sur la crise imminente de l’accès à l’eau, qui fait aussi l’objet d’une Conférence des Nations unies qui s’est déroulée du 22 au 24 mars 2023 à New York, le premier sommet international consacré à l’eau douce depuis 46 ans. Le dernier rapport du GIEC présente un bilan de l’état actuel et des solutions à mettre en place pour éviter des catastrophes.

Les océans
Océans et mers recouvrent 70% de notre planète et représentent 97% de l’eau sur Terre. Ils connectent les hommes, fournissent nourriture et oxygène, régulent notre climat en absorbant une partie du CO2 produit et abritent une grande diversité d’espèces. Ils nourrissent aussi une partie de la population mondiale.
Pendant des siècles, l’humanité a agi comme si mers et océans étaient des ressources inépuisables, capables de nous nourrir et d’absorber tous nos déchets. Mais il n’en est rien. Les océans se dégradent à une vitesse alarmante du fait des activités humaines ; de l’augmentation de la température, de l’acidification des eaux à la pollution, les défis qui pèsent sur les océans se multiplient et mettent en danger tant la nature que les humains.
Emmanuel Macron a beau se positionner en protecteur des océans, la réalité est toute autre : il soutient l’extraction minière en eaux profondes ; cette industrie serait un désastre sans nom, pour la vie marine comme pour le climat. Elle consiste à labourer les fonds marins pour extraire des minerais considérés comme précieux. Le résultat ? Des espèces marines et des écosystèmes fantastiques menacés, et du carbone qui s’échapperait des profondeurs, affolant encore un peu plus le climat. Heureusement le 4 mars 2023, après plus de 15 ans de discussions, dont quatre années de négociations formelles, les États membres de l’ONU se sont enfin mis d’accord sur le premier traité international de protection de la haute mer destiné à contrecarrer les menaces qui pèsent sur des écosystèmes vitaux pour l’humanité dont l’extraction minière en eaux profondes.
Une bonne nouvelle pour les océans.
Mais d’autres problèmes existent. Si le réchauffement est limité à 1,5 °C, le niveau mondial des mers augmentera d’environ 2 à 3 m au cours des 2000 prochaines années, ou de 2 à 6 m si le réchauffement est limité à 2°C. L’élévation du niveau de la mer est un phénomène observable au niveau mondial depuis le début du XXe siècle, résultant du réchauffement climatique. Le niveau moyen des océans a augmenté de 20 cm entre 1901 et 2018, la moitié de cette hausse étant observée après 1980. Le rythme annuel, en 2020, est estimé à plus de 3,5 mm par an.
Les conséquences prévisibles les plus importantes de l’élévation du niveau de la mer sont le recul du trait de côte, la disparition de territoires insulaires de basse altitude, l’intrusion d’eau salée dans les aquifères d’eau douce proches des côtes, la destruction d’écosystèmes côtiers et la perte de patrimoine culturel et historique
De nos côtes jusqu’aux profondeurs abyssales, l’océan est incontestablement le plus grand espace de vie de la planète, avec un peu moins de 280 000 espèces recensées. Il s’agit pourtant d’un espace qui reste largement inexploré : on estime qu’il pourrait abriter entre 500 000 et plus de 10 millions d’espèces différentes – sans même compter le monde microbien, dont le nombre d’espèces serait proche de la dizaine de milliards.
En plus d’être un formidable réservoir de biodiversité, l’océan fournit des services essentiels au maintien de la vie sur Terre, notamment en matière de régulation du climat : il absorbe chaque année 30 % du CO2 émis par l’humain dans l’atmosphère et plus de 90 % de la chaleur additionnelle due aux gaz à effet de serre. Ses fonctions de régulateur du climat sont aujourd’hui largement reconnues, fonctions qui sont essentiellement associées à des processus physico-chimiques mais aussi biologiques. Ces derniers, encore peu connus, méritent pourtant toute notre attention : les écosystèmes océaniques auront sans doute un rôle clé dans l’évolution future de puits de carbone océanique.
Outre l’atténuation du changement climatique, certains écosystèmes rendent des services en matière d’adaptation aux effets du changement climatique. Les récifs coralliens constituent un exemple intéressant. En effet, un récif corallien pourrait absorber jusqu’à 90 % de la force d’impact d’une vague. Les récifs coralliens protègent actuellement plus de 150 000 km de côtes, agissant comme un rempart face aux effets de l’élévation du niveau des mers, de l’érosion côtière et de la multiplication des événements extrêmes.
Alors même que le dernier rapport spécial du GIEC “Océan et Cryosphère” fait état des changements observés dans l’océan et qui pourraient devenir, à une certaine échéance, irrémédiables et irréversibles, protéger les écosystèmes marins apparaît plus urgent que jamais dans le cadre de la lutte contre le changement climatique.
L’exploitation sans limite de nos océans, et plus généralement de notre planète, a des effets directs et manifestes sur la biodiversité marine : 90 % des stocks commerciaux sont soit pleinement exploités soit surexploités. Lorsqu’un stock menace de s’effondrer, cela a des conséquences touchant l’ensemble de l’écosystème et se répercutant sur toute une chaîne alimentaire.
Cette diminution des ressources engendrera un problème pour les quelque trois milliards de personnes qui ont besoin du poisson pour leur apport en protéines animales. La destruction de la biodiversité marine est donc aussi un enjeu de sécurité alimentaire pour l’être humain.
Autre problème : Les océans suffoquent sous l’effet de notre pollution plastique
Nous produisons en moyenne 300 millions de tonnes de plastiques par an et on estime qu’entre 8 et 12 millions de tonnes finissent dans nos océans – l’équivalent d’un camion poubelle chaque minute.
Les débris marins les plus courants sont constitués de matières plastiques et synthétiques qui ont des effets désastreux sur la faune marine et les oiseaux de mer.
Environ 64 % des océans, soit près de la moitié de la surface de la planète, n’appartiennent à aucun pays ! Ces zones maritimes, qualifiées d’« eaux internationales » ou de « haute mer », nous appartiennent donc à tous. C’est notre responsabilité collective de les préserver, notamment en créant un réseau de réserves marines.

Conclusions :
Des solutions existent à condition de passer du « toujours plus » à la sobriété, de la marchandisation aux valeurs communes inviolables, de l’ultralibéralisme à la solidarité planétaire. Un peu partout il y a des prises de conscience, de multiples germes de changements, des petits ruisseaux qui pourraient faire de grandes rivières.


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