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Article publié

Refonder la parole politique : échos du 23 octobre 2021

REFONDER QUELLE PAROLE POLITIQUE ?

Conclusion de la journée par Philippe KABONGO M’BAYA

jeudi 11 novembre 2021, par :

Tout ce que nous avons entendu tout au long de la journée renvoie à cette métaphore de la marmite, la possibilité et l’audace de changer de paradigme. Derrière « refonder la parole politique », ce n’est pas la pertinence éthique qui est en jeu, ni la question générale de la vérité qui est concernée, mais tout simplement la possibilité même de tenir debout, le courage de pouvoir dire : me voici, ici je me tiens ! C’est pourquoi, « sortir du bois » c’est l’emporter sur soi-même, vaincre sa peur pour humainement pouvoir la vivre différemment.

Si j’étais arrivé ici avec quelque retard et qu’en franchissant la porte, vous me découvriez tout nu, vous vous regarderiez certainement les uns les autres, avant de murmurer quelques mots entre vous : Ste Anne c’est juste derrière...Qu’est-ce qu’on fait ? Il ne va pas bien.
Il en est de même des convictions, des pensées, des ambitions et des calculs : ils ne se présentent jamais nulle part dénudées. Ils ont besoin de costumes pour couvrir leur nudité, bien souvent même leur nullité, sinon leur nocivité même !
La parole habille les intentions plus qu’elle ne les épouse ni ne les exprime.
En plus d’être délicate, la question que soulève cette image est difficile. Comment adhérer à une proposition dont les tenants et les aboutissants restent insaisissables ? Quel crédit accordé à son expression, à sa formulation, puisqu’ici l’habillage est aujourd’hui plus que jamais si déterminant ? Il y a de toilettes de fête, de vêtements d’apparat, l’uniforme, mais aussi les tenus banalisés, etc.
De même que les habits ne remplissent pas la même fonction ; qu’ils ne sont pas faits pour produire les mêmes effets, de même la parole présente un spectre de sens considérable, une plasticité symbolique quasi infinie.
Peut-être que derrière les interventions que nous avons entendues, les échanges que nous eus, quelques accents ou infléchissements sur certains thèmes cherchent en nous un murissement et nous interrogeront : " Refonder la parole politique » : l’ambition parait presque démesurée.
Faudrait-il à cause de cela baisser les bras devant son défi ?
Au fond, de quoi s’agit-il ? Que signifie « refonder » ?
L’avons-nous entendu au sens de "réhabiliter", de "restaurer", de "réformer", voire de "redresser" la « parole politique » ? En cette saison de campagne électorale en France, notre sujet ne pouvait pas mieux tomber. Au moment de clore notre journée, nous nous quittons avec des questionnements. Tas mieux. Un exemple, le "p" de cette parole dans notre esprit est-il à la minuscule ou en majuscule ? Si c’est un P majeur, cela signifie pour moi non pas seulement " la parole politique", mais essentiellement la "Promesse" intrinsèque de cette parole.
La question serait alors celle de savoir comment penser, parler et agir afin que cette promesse ne soit déshonorée, « démonétisée », mais maintenue, dans ses réussites comme dans ses échecs ?

La jeune burkinabé, Eldaa KOAMA, interpellait le président E. Macron au sommet Afrique-France de Montpellier avec ces mots qui résonnent encore dans nos esprits :
« …si la relation entre les pays d’Afrique et la France était une marmite, sachez qu’elle est très sale cette marmite. Elle est sale de reconnaissance légère, elle est sale des exactions commises, elle est sale de compromissions, elle est sale de non-transparence, elle est sale de vocabulaire dévalorisant. Elle est sale, Monsieur le Président ! Je vous invite à la récurer par des actions concrètes. Si vous refusez de la laver, si vous voulez quand même préparer là-dedans, je ne mangerai pas, nous ne mangerons pas, l’Afrique ne mangera plus… »
Ce cris-là, les Gilets jaunes chez-nous s’y reconnaitraient. Et pas seulement Daniele OBONO ou Assa TRAORE. Car la marmite n’est pas uniquement la promesse de la « Parole politique », mais de la Parole digne de foi. Changer de « marmite » c’est clairement changer de paradigme. Imaginer un autre horizon, se laisser aimanter par lui, travailler à son avènement, dans les moindres choses du quotidien.
Nous avons entendu plusieurs choses au cours de cette journée ; nous avons peut-être aperçu des possibilités nouvelles, des pistes stimulantes, que pouvons-nous faire pour changer de « marmite » ? Qu’est-ce qui doit être refondé ? La parole politique ou la Parole tout court ?
En 1999, Eglise réformée de France à l’époque avait engagé une vaste campagne dénommée « Débat 2000, 2000 débats ». Au cours de l’année jubilaire, le pasteur Guy Bottinelli eu le pressentiment que cette animation allait connaitre le même sort que toutes les autres : beaucoup de com. pour peu d’impact. Alors, Bottinelli posa la question de la parole publique de notre Eglise aujourd’hui :
« Je voudrais dire à mes frères protestants combien il est regrettable qu’ils ne profitent pas davantage de leur statut minoritaire. Puisqu’ils ne sont plus, depuis longtemps, suspects de visées impérialistes rien ne doit les retenir de faire preuve d’audace, au lieu de se cantonner dans une réserve stérile. Être petit n’est un handicap que pour ceux qui manquent d’imagination ! Puisse « Débat 2000 - 2000 débats » nous aider à sortir du bois ! »
Mais sortir du bois, c’est prendre des risques, se compromettre, comment y aller quand en son sein tout reste si incertain et qu’autour de soi rien ne réveille l’enthousiasme ?
Tout ce que nous avons entendu tout au long de la journée renvoie à cette métaphore de la marmite, la possibilité et l’audace de changer de paradigme. Derrière « refonder la parole politique », ce n’est pas la pertinence éthique qui est en jeu, ni la question générale de la vérité qui est concernée, mais tout simplement la possibilité même de tenir debout, le courage de pouvoir dire : me voici, ici je me tiens ! C’est pourquoi, « sortir du bois » c’est l’emporter sur soi-même, vaincre sa peur pour humainement pouvoir la vivre différemment.
Dans l’actualité médiatique et politique de ces derniers temps, deux personnages emblématiques me semblent être des révélateurs de la saleté de notre marmite, du paradigme outrageusement tordu, qui nus gouverne encore.

D’un côté, vous avez une dérision provocatrice, elle est outrée et souvent outrancière.
De l’autre, une délation haineuse, idéologiquement mélancolique, infatigable dans ses fougues accusatoires…
Le populisme extravagant est leur terrain de prédilection.
Chacun de ces deux personnages a déjà eu des démêlées avec la justice et a été condamné.
Mais tandis que Dieudonné ne peut plus passer sur aucun média à cause de sa condamnation pour des propos antisémites, en revanche, Zemmour lui fait le buzz dans tous les médias ; bien qu’il ait été sanctionné pour des convictions islamophobes totalement indéfendables.
Zemmour est dans tous les journaux, à toutes les antennes, sur tous les plateaux de télévision, non pas parce que c’est la saison de campagne électorale, mais parce qu’une partie de la France l’instrumentalise dans le même rapport de manipulation qu’il exerce lui-même sur l’opinion !
Ce qui se passe là est trop laid et dangereux.
Depuis le 17è siècle, pour ne pas remonter à Mathusalem, bâtir et habiter une société de confiance n’a cessé de travailler les esprits éclairés en Occident.
Cette confiance n’est pas affaire de courage, du rapport à la vérité comme acte courageux, la parresia, théorisée par chez Michel Foucault ; mais, le terme qui engage, dans le NT, le positionnement d’assurance face à l’incertain ou à l’avenir. C’est à cette condition que l’on est libéré de la hantise de la com., la rhétorique de séduction, du camouflage ou du déguisement.
Puisqu’on a rien à revendiquer pour soi-même, on peut « laver la marmite »…C’est-à-dire accréditer la Parole, libérer sa Promesse avec sa portée individuelle, mais aussi collective.

« Refonder la parole politique », dans la société politique comme dans les initiatives et luttes sociales, dans l’Eglise ou dans nos vies personnelles, c’est retourner les logiques de méfiances et des peurs, quitter les miasmes des « à-quoi-bons » pour se recevoir et guérir.
Une Parole nous presse !


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