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Article publié

Esclavage

Au milieu du XVIIe, un précurseur de l’abolition

lundi 9 mai 2016

Habilitée par le Comité National de l’Histoire et de la Mémoire de l’esclavage, la section de la Ligue des Droits de l’Homme de Paray-le-Monial (Saône et Loire) rendra hommage, le 10 mai 2016, au protestant Pierre Moreau (1620-1660), précurseur du combat pour l’abolition de l’esclavage au milieu du XVIIe siècle. Après une première cérémonie le 10 mai 2014, celle-ci marquera l’inscription du Parodien sur le fichier du CNHME, sa biographie étant réalisée aussi par la LDH Paray.

Celui publia "L’histoire des derniers troubles du Brésil" en 1651, à Paris, chez Augustin Courbé au milieu d’un ensemble de 8 récits de voyage... probable camouflage pour des idées subversives exprimées surtout dans les 20 dernières pages. Elles pouvaient s’avérer dangereuses pour lui : l’un de ses inspirateurs, le Hollandais François Van Den Enden fut pendu à Paris en 1674 pour avoir imaginé pouvoir instaurer une république... en Normandie ! Lui-même mourut - sans doute à Paray en 1660 - dans des circonstances inconnues.
A la suite d’un voyage au Brésil, Pierre Moreau a publié à Paris en 1651 et à Amsterdam l’année suivante, un récit intitulé : « Histoire des derniers troubles du Brésil entre les Hollandais et les Portugais ». C’est aux pages 40 et 41 qu’il exprime le mieux sa condamnation de l’esclavage, considérée comme une « détestable servitude » et une « barbarie ». Quant aux ressorts qui ont pu l’animer, on peut mentionner ceux de la conscience qui le conduisent à exprimer son empathie et sa révolte face aux conditions inhumaines et aux mauvais traitements dont sont victimes les esclaves. Mais se discerne aussi chez lui la faculté plus rare de relier les Indiens et les Africains à sa conception universaliste de l’Homme, celle de Sénèque selon lequel « le monde n’est qu’une cité et que tous les hommes en sont les habitants ». Ainsi leur porte-t-il le regard de l’égalité et les compte-t-il parmi les étudiants de l’Université d’Amérique qu’il imagine au Brésil. Ce bel humaniste projette et amplifie ainsi dans ce pays l’égalité de tous, garçons et filles, riches et pauvres face à l’école, telle que dans la communauté protestante de Paray-le-Monial où tous étaient alphabétisés.
Dans la présentation idéale d’un Brésil républicain, s’affirment encore la suppression de la colonisation fondée sur le droit des peuples de posséder leur terre, la liberté de conscience pour tous, une justice honnête, l’égalité face à la terre et la solidarité : « les hommes estoient sur la terre…pour s’épargner et s’entresecourir » . Oublié pendant 350 ans dans sa ville, Pierre Moreau mérite aujourd’hui d’être honoré pour ces premières Lumières qu’il a propagées chez les philosophes qui connaissaient son récit de voyage, Montesquieu et Diderot.
Germaine Lemetayer, LDH Paray-Le-Monial

10 mai 2016, à 19 heures 30, au Centre Culturel et de Congrès de Paray-le-Monial, débats en hommage à Pierre MOREAU organisée par la LDH Paray.

Citations de Pierre Moreau :

10 - "faire du Recif une Université d’Amérique qui aurait été l’Académie de tous les Arts et Sciences, fondée de revenus pour l’entretien des gens scavants qui y eussent enseigné les bonnes lettres, et un soin particulier d’en donner cognoissance aux Brésiliens et Tapoyos, les jeunes enfants desquels ils eussent eu ordre de faire estudier de bonne heure pour mieux et facilement les morigener et rendre capables d’instruire les leurs dans les sciences humaines et dans les mystères du Christianisme, esquels Brésiliens avoient déjia quelque commencement. »
9 - « Et ce soit chose honteuse, au dire de Sénèque, de ne rien savoir qu’à l’aide des livres seulement, la curiosité ne peut être que juste et glorieuse de se porter le plus qu’on peut à la connaissance, d’aller soi-même apprendre ce qui est à louer ou mérite du blâme chez les autres nations. » Préface
8- Concernant les Indiens (Tapoyos) : « Pour les Tapoyos il n’avait pas encore été possible de les persuader, à cause que le diable les menaçait et maltraitait lors qu’ils en pensaient conférer et qu’ils ne voyaient point reluire de sainteté entre les Chrétiens ; leur reprochaient d’être plus méchants qu’eux, propres à dire merveilles et ne rien faire qui approchât de leurs belles leçons et d’effet, la piété ne fut jamais si refroidie en un pays où l’air a tant de chaleur : tous les vices y étaient en vogue, les temples de l’une ou l’autre religion peu ou point fréquentés, le peu de soin d’y envoyer leurs esclaves et leur enseigner à prier Dieu était cause qu’ils vivaient comme des bestes, sans autre souci que d’en tirer service, à peine avaient-ils le jour du dimanche pour repos. » p. 25
7 - "la guerre était la mortelle ennemie des vertus, l’école de l’impiété, la ruine et le dégât des dons et biens que la bonté divine nous départ et rendait les lieux où elle était reçue toujours misérables ; que la Compagnie devait butter à une prospérité innocente et non pas puiser sa félicité dans les saccagements et destruction de leurs voisins ; qu’il n’y avait que la paix qui pût les rendre contents également" p.30.
6 - « par cette mesme raison, il (le roi du Portugal) devait donc totalement se déporter d’y dominer et laisser ce pays-là libre aux Brésiliens et Tapoyos qui en sont originaires, naturels et légitimes seigneurs, que c’estoit leur patrie, comme aux Portuguais le Portugal : quel droit ils avaient eu de s’aller emparer de leurs terres, captiver leurs personnes, et exercer tant de massacres envers ces pauvres gens qui jamais ne les avaient cognus ny desobligez, qui au lieu d’y planter le Christianisme, y avoit semé l’impiété » p. 186. Remarquable condamnation de la colonisation au nom du droit.
5 -« Les Hollandais faisaient prêcher partout en Flamand, Français, Portugais, Anglais et aux Brésiliens par des ministres, qui dès leur jeunesse, avaient appris leur langage et avaient esté étudier aux universités de Leyden, Utrecht et Groningen, qui demeuraient parmi eux avec des maîtres d’école qui les y apprenaient à lire et à escrire en chaque Aldée. » p. 25
4 - Concernant le Brésil : « …Les Etats voulaient… distribuer le pays par portion à un chacun, comme Rémus et Romulus firent à Rome… » (c’est à dire en parts égales) p. 205.
3 - « les hommes…estaient …sur la terre…pour s’épargner et s’entresecourir » p. 30
2-Au sujet de l’organisation de la justice au Brésil : "… faire rendre justice par leurs officiers qui n’estoient pas là introduits pour de l’argent, mais selon leur mérite, vouloient qu’on rendit justice ez complaignant, sans argent et punissaient sans rémission et exception ceux qui connivaient et manquaient au devoir de leurs charges, qu’ils entendaient nestre exercées que par gens vertueux, capables et de bonne conscience, et non par des voleurs et sangsues du peuple… » p. 188.
1- "S’il est vrai que le monde n’est qu’une cité et que tous les hommes en sont les habitants..." Préface
P. Moreau, Relation véritable de ce qui s’est passé en la guerre faite au pays du Brésil entre les Portugais et les Hollandois, depuis l’an 1644 iusques en 1648, Paris, 1651.

  • #1 Le 16 août 2016 à 12:45, par Marc Bedjai

    Bonjour,
    Comment pouvez affirmer que Pierre Moreau dans son ouvrage de 1651 sur la Brésil Hollandais a eu pour inspirateur van den Enden dont l’action politique subversive est découverte en 1674 ?
    Cordialement
    Marc Bedjai



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