Au livre des Proverbes, le sage énonce : « Un roi assure la prospérité de son pays lorsqu’il pratique la justice, mais, s’il lève des impôts abusifs, il le réduit à la ruine « (Pr 29/4). Belle citation, mais comment distinguer un impôt abusif d’un impôt nécessaire et juste ? Dans l’antiquité, les impôts servaient aux dépenses militaires et somptuaires du souverain. Aujourd’hui, ils correspondent à des dépenses dans des domaines bien plus nombreux et divers. Et les avis divergent sur les limites de ce qui doit être pris en charge par la puissance publique (c’est-à-dire par l’impôt) et ce qui doit être porté par les personnes, les familles, les entreprises. Deux questions principales me semblent posées dans ce contexte, toutes les deux ont à voir avec la justice. Celle de la transmission éventuelle du patrimoine et celle de la redistribution des ressources.
Pour le patrimoine, la Bible donne-t-elle des indications ? Si elle conçoit la richesse d’un individu comme une marque de ses efforts, de son astuce (cf. Jacob), de sa sagesse inspirée (cf. Joseph), et parfois comme un signe de la bénédiction de Dieu, la Bible propose aussi de revenir régulièrement à une sorte d’égalité, de remise à plat des ressources dont chacun devrait disposer pour vivre correctement. C’est le sens du Jubilé (Lev 25). Comment cela peut-il se traduire aujourd’hui, alors que nous ne sommes plus dans une société de petits propriétaires terriens ? En tout cas, les études montrent bien que les règles actuelles d’imposition de la transmission des patrimoines accroissent les inégalités au lieu de les réduire.
Pour la redistribution des ressources, la Bible ne dit pas grand-chose. En particulier parce que notre société est bien plus complexe qu’autrefois. Nous vivons dans un environnement où nous dépendons fortement des services qui nous sont offerts par la collectivité, depuis les infrastructures de transport jusqu’aux établissements de santé, en passant par l’éducation, la formation, la culture et tant d’autres bien communs. C’est ici, pour moi, que se pose une question à laquelle je n’arrive pas à trouver de réponse dans les débats qui sont ouverts depuis longtemps sur le sujet de l’impôt : il nous est dit que notre pays connait le plus important taux de prélèvement des pays comparables ; mais rien ne nous est dit sur les différences d’organisation sociale entre les pays, sur ce qui, ici, est pris en charge par l’impôt ou les contributions sociales et qui reste ailleurs à la charge des individus ou des familles. Et par exemple, quand un foyer français de classe moyenne ou supérieure se plaint de son imposition mais envoie pour presque rien ses enfants en classe préparatoire, dans les grandes Ecoles publiques ou à l’Université, souhaite-t-il payer moins d’impôt et plus de droits scolaires ? (Voir le Québec) La même question se pose pour bien d’autres domaines : à qui profite d’abord notre fiscalité ? Elle concerne aussi notre compréhension de la justice : doit-elle permettre à tous d’accéder également à des services de qualité ?
Nous avons besoin d’être éclairés dans les débats à venir, pour que notre obéissance à l’appel de l’apôtre Paul, ne soit pas seulement réponse imposée à une obligation mais participation volontaire à un projet de justice.