Sauver les banques ?
Il faut rappeler les sommes en jeu : on joue avec les milliers de milliards (trillions). Par exemple, 1 700 milliards d’€ en un week-end en 2008 pour venir au secours du système bancaire européen ! Pourquoi ? Il y a eu vraiment péril en la demeure ! Si le système financier s’était effondré, ce week-end d’octobre 2008, les échanges internationaux auraient stoppés, les distributeurs de billets se seraient vidés, l’essence n’aurait plus été disponible, les entreprises auraient fait faillite les unes après les autres, les états et les collectivités locales auraient été en cessation de paiement. Les injections massives de cash n’avaient d’autre but que de réanimer le grand malade. Les banques, la finance sont le système sanguin, le cœur étant les banques centrales. La finance ne crée pas de richesse, en revanche, la finance est indispensable pour que les autres secteurs créent cette richesse qui sera consommée par les habitants. Sauver les banques, c’est sauver le système (virement à la fin du mois, prélèvements eau ou gaz, salaires, comptes d’épargne…) Et nombreux sont ceux qui ont profité de ce système (vous, moi, les gens normaux) : découvert pour les vacances, crédit pour la voiture, ou prêt pour l’achat de la maison…
Qui est responsable de cette horreur ?
Stigmatiser la finance est pratique, cela évite de se poser les bonnes questions. L’affaire est beaucoup plus complexe et la responsabilité est partagée. L’origine de la crise économique est bien l’accumulation d’une dette aberrante. Et c’est le binôme central de l’économie, l’Etat et les banquiers, qui a failli.
A partir de 1989 (chute du Mur et surtout 2000, puis septembre 2001), il est évident que les cartes vont être rebattues. L’une des origines de la crise vient de ce lent rééquilibrage, indispensable qui s’appelle mondialisation qui nous déplait tant à nous les nantis !
L’américain moyen n’est pas prêt à pareille dépréciation ; son pays doit rester la terre de cocagne, la destination de rêve pour tout être humain. Face à cette opposition frontale de l’opinion publique américaine, la banque centrale américaine a proposé aux hommes politiques une solution : la dette : les vannes de la dette furent grandes ouvertes, pour doper la croissance.
Quel est le traumatisme à la base de la société moderne américaine ? La Grande Dépression de 1929, le chômage, le moment où les US auraient pu sombrer : « plus jamais ça ! ». Ainsi les dirigeants américains ont pour mission absolue de maintenir le PIB, de verrouiller la consommation et le niveau de vie.
Remarque, en Europe, le traumatisme c’est la deuxième guerre mondiale, née de l’hyperinflation dans les années 30 dans la république de Weimar. Et c’est donc l’inflation qu’il faut combattre.
Donc aux US dans les années 2000, on veut soutenir le niveau de vie : en avant pour une baisse des taux d’intérêt pour faciliter l’emprunt : on payait presque pour que vous consommiez ! Donc baisse radicale des taux d’intérêt, création d’emprunts sans limites, et constitution de l’une des dettes les plus insensées de l’histoire.
Et qui finance cette dette ? La Chine produit les marchandises, les vend aux US et avec cet argent achète les bons du Trésor américain (au lieu de transformer ce qu’elle gagne en hôpitaux ou tout autre investissement utile pour sa population) : donc un prêt obligatoire équivalent quasiment à une année de production, des taux d’intérêt ridicules, et le tout libellé en dollars qui perdait avec allégresse presque la moitié de sa valeur !
Et cet accord US/Chine se fait sur le dos du reste du monde et particulièrement de l’Europe ou de l’Afrique (p55-56).
Et la France ?
Les Français aussi ne veulent pas entendre parler de difficultés, d’avenir difficile… Le refus de la réalité, les aspirations que nous ne pouvons pas nous payer, voilà les vraies causes de la crise. Partout la dette galopante, des chèques en blanc tirés sur les générations futures ! La différence majeure est que de nombreuses consommations (laissées à l’initiative individuelle aux US) sont assumées par l’Etat en France (la santé, l’éducation ou l’assurance chômage). Donc ce fameux endettement privé est reporté sur la puissance publique chez nous. Le déficit fut creusé depuis trente ans par tous les gouvernements. Chacun est d’accord pour réduire les dépenses, mais toujours chez le voisin ! Quelque soit la mesure, on aura droit à une grève ! Bref, la France vit au dessus de ses moyens, très au dessus ! Elle s’endette, crée de la monnaie sans créer de richesse et augmente sans cesse cette dette.
Finance dérégulée contre finance classique :
La finance classique, régulée, était hors jeu pour la diffusion de la manne provenant de la dette.
On a alors favorisé l’émergence d’une finance, non encadrée, sans tutelle (abolition du Glass-Steagall Act par l’administration Clinton 1999) dite « finance compétitive », prête à prendre tous les risques, inventant des montages alambiqués, avec des rémunérations ébouriffantes. Tout était permis.
Qui profita à fond de la dérégulation ? New York, bien sûr, mais aussi Londres, l’allié fidèle.
Et partout les banques classiques ont dû suivre les méthodes des plus audacieuses, pour ne pas afficher des résultats ridicules.
Et pendant une période, tout le monde y a trouvé son compte et tout le monde s’est tu ! C’était l’euphorie !
Il y a eu des alertes (en Asie et en Amérique du Sud à la fin des années 1990).
On comprit alors qu’il était urgent de commencer à freiner. Il suffisait d’augmenter les taux d’intérêt ; le dollar remonterait, l’emprunt deviendrait plus compliqué, l’immobilier se calmerait, la consommation avec lui : atterrissage en douceur disait Bush et ce fut le crash…
La hausse des taux provoqua la baisse des prix de l’immobilier ; mais aussi le dérèglement du marché financier. Et les premières faillites furent prononcées et ce fut la spirale. L’Effet domino s’étendit des banques d’investissement américaines aux banques classiques puis aux banques du monde entier. Les banques ne se prêtaient plus entre elles … il ne se passe plus rien, c’est la thrombose fatale !
En mars, faillite de Bear Stearn et en septembre, de Lehman Brothers. Les anciens rois du monde !
Contamination, coup de frein sur la consommation, ralentissement de l’activité … récession. La crise est là.
Comment en sortir ?
Il faut dépenser de l’argent, beaucoup d’argent, des sommes astronomiques pour sauver des gens, des villes, des pays entiers. Pour éviter les révoltes et même les guerres, une vraie politique de secours doit être mise en œuvre : les actifs vont devoir subventionner toutes les personnes qui n’ont pas de revenus. Les pauvres de chez nous, mais ceux d’ailleurs aussi ! Il faut créer un fonds géant de solidarité planétaire. Mesure urgente. Les fonds d’aide à l’extérieur, la rigueur absolue en interne.
La croissance est finie pour un bout de temps.
Il faut donc augmenter l’impôt de façon importante et réduire les services offerts. Et il faut des hommes politiques courageux pour le dire et le faire.
Une réforme doit accompagner cette levée massive : réinventer le terme de l’échange. C.à.d. poser la question de la contrepartie à la subvention : principe applicable à tous : états, institutions ou individus. De l’argent contre qqechose. A définir cas par cas.
Par exemple, les entreprises qui ont besoin de subventions devraient « rendre » en terme de formation, de retraites ou de développement … à définir.
Pour les pays défaillants, que l’Europe aide grâce à l’euro par exemple, un contrat clair doit être pris au moment du sauvetage (par exemple pour les Anglais vis-à-vis de l’euro).
C’est l’occasion d’utiliser ce principe d’échange, pour poser les fondations d’une société internationale plus cohérente et plus adaptée aux défis qui nous attendent.
Même chose au niveau de l’individu. Demain, les mesures d’aide vont prendre de telles proportions, qu’il devient nécessaire de réfléchir dès aujourd’hui à la compensation attendue de la part des citoyens. Vraie révolution sociale !
Un grand organe régulateur doit émerger : le FMI ? En le transformant en banque centrale mondiale ?
Le défi n’est pas insurmontable, mais il faut oublier les réflexes d’immobilisme qui paralysent les sociétés démocratiques.
Pour les hommes politiques, il s’agit de construire une vraie nouvelle collectivité nationale, au risque de perdre les élections suivantes !
Mais ils ne s’y résoudront que lorsque l’ampleur de la catastrophe sera irréfutable.
Au moment où la population devient prête à entendre l’appel du 18 juin !
Cette crise a bien quelque chose de la défaite de 1940, la fin d’un monde, la transition vers autre chose. D’où l’importance de la réflexion autour de la construction de la nouvelle architecture de l’économie mondiale.