Dans cette postface, Jean-Claude Michéa considère que le projet libéral a "toujours été philosophiquement inséparable - en droit comme en fait - d’une volonté profonde de révolutionner l’ensemble des structures traditionnelles de la société".
Dans le même paragraphe il dénonce "la volonté de déracinement radical des individus et la dévalorisation méthodique de toutes les formes d’appartenance historiques et culturelles" qui seraient l’impératif majeur du nouveau mode de vie capitaliste. Mais pour lui ce qu’il appelle "la littérature candide des nouvelles radicalités" serait aussi porteuse de cette volonté libérale.
Et c’est à ce point-là qu’il renvoie à une note dont il vaut mieux copier la totalité :
"13. On se reportera, entre mille exemples, au rapport publié en juin 2011 par l’assemblée générale de la Cimade (Inventer une politique d’hospitalité). Ce texte hallucinant, qui prône, au passage, une "gouvernance démocratique mondiale de la planète", propose tout simplement d’instituer "un droit à la mobilité pour tous" (sans même s’interroger un seul instant sur les effets et les conditions écologiques d’un tel mouvement brownien devenu planétaire et permanent),droit qui devrait "nécessairement englober" pour chaque individu une liberté intégrale de circulation et d’installation. On s’étonnera toutefois beaucoup moins de l’orientation résolument libérale (pour ne pas dire "ultralibérale") de ce curieux rapport si l’on sait que, depuis 2006, le président de la Cimade n’est autre que Patrick Peugeot, ancien PDG du groupe d’assurance La Mondiale, ancien collaborateur de Jacques Chaban-Delmas et jacques Delors, et surtout, membre parmi les plus actifs du Siècle (au même titre, d’ailleurs que son collègue Louis Schweitzer, président de la branche internationale du Medef et premier dirigeant historique de la Halde"
(fin de citation, fin de la note. Les italiques sont de MICHEA).
C’est plutôt comme militant de la Cimade que je me demande comment MICHEA dont j’apprécie les réflexions sur une "société décente" peut se permettre ce genre de raccourci, d’amalgame et d’attaque sur les personnes. En général ce genre de notule pue le compte à régler à plein nez...mais je ne sais pas lequel et ça ne m’intéresse pas vraiment.
Ce qui m’étonne d’abord c’est qu’il ne comprenne pas d’où vient cette proposition de politique d’hospitalité de la Cimade : des situations très concrètes rencontrées dans les permanences de la Cimade, où nous sommes témoins que des vies sont détruites, abimées, par des mesures étatiques de refus d’accueil et d’hospitalité, doublées de discours xénophobes.
Ce qui m’étonne encore plus, c’est que MICHEA enfourche un discours qui laisse à penser que la suppression ou la diminution des régulations de déplacement entrainerait un "mouvement brownien" , c’est à dire pour lui un chaos universel. A quels discours cette promesse de chaos renvoie-t-elle ?
Or nous savons bien que les hommes et les femmes de notre planète sont pour la plupart attachés à leur groupe d’appartenance et que les migrations ne sont pas toutes choisies, désirées. Et qu’elles sont parfois manipulées par des organismes qui tirent profit des obstacles opposés à cette mobilité.
Permettre une meilleure mobilité, c’est aussi permettre de rester lié aux groupes d’appartenance, plutôt que d’être enfermé -sans papiers - dans un pays inhospitalier.
Quand à l’attaque contre Patrick Peugeot, c’est une attaque ad hominem guère "décente". Mais surtout c’est faire peu de cas du fonctionnement démocratique de la Cimade que de croire que des orientations de ce type puissent être prises par l’influence néolibérale supposée d’un président. Il faudrait que M. MICHEA soit invité à une AG de la Cimade -s’il acceptait de sortir de ses retraites méridionales- pour qu’il puisse découvrir la diversité humaine et politique de ce mouvement...et en même temps sa culture d’appartenance à une histoire et à un projet.
Cette note-sur-une-note-d’une-postface pour espérer que M. Michéa ne fermera pas la porte à l’hospitalité demandée mais aussi proposée par des hommes et des femmes conscients de leur appartenance, de leur culture, et prêts à la partager.