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Appel pour une relance du christianisme social, pour des communes théologiques

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Même pas peur du débat !

95 thèses : Réflexions à poursuivre

jeudi 17 janvier 2013, par :

Pour un dialogue sur ces 95 thèses.
Les chiffres (en principe numéros de la thèse) signalent des citations tirées des 95 thèses
Les tirets initiaux suivis d’italiques (si les italiques sont bien restitués) signalent les réflexions que je vous propose.

1. Le choix de 95 thèses :
 une vocation à parler pour le protestantisme tout entier, malgré les précautions du préambule ? une réforme dans la Réforme ? Il est pourtant difficile de trouver dans la Bible de quoi nourrir un tournant culturel (une mode ?) qui pourrait s’alimenter plus facilement à des traditions très éloignées du christianisme, hindoues par exemple (les Hijras).

2. « Cette inclusivité concerne notamment l’accueil des minorités sexuelles » :
 les « minorités sexuelles » (en français cette expression signifiait jusqu’ici quelque chose comme « impubères ») ne sont pas les parias ni les exclus de no(tre)(s) société(s), et ce n’est pas elles qu’on rencontre gîtant sous les ponts. Dans nos Églises en France, leurs membres sont déjà accueillis comme n’importe quel autre fidèle. La difficulté d’être, et d’être ou de se sentir reconnu, quant à elle, déborde très largement les diverses formes de l’altérité de genre. Quant à l’exclusion réelle : pas plus tard qu’hier (12 janvier) la police française débarquait sans crier gare et déchargeait en pleine figure de femmes et d’enfants son gaz lacrymogène dans un camp de Roms de la banlieue de Lyon (lu sur Mediapart)… Oui, vous avez bien lu : la police de notre gouvernement socialiste si ouvert aux « minorités ».

3. « Polarité homme-femme » :
 elle est structurante, autant du réel que du symbolique. La nier c’est nier la différence, nier l’altérité, nier (presque toujours, y compris en le phagocytant) le féminin : vieux rêve, dont l’Occident n’est pas le seul porteur, et dont le potentiel génocidaire se lit dans l’ahurissant déséquilibre actuel entre les naissances de filles et les naissances de garçons en Chine ou en Inde.

4. « L’invocation de la Loi et de l’Évangile » :
 la loi n’interdit plus l’homosexualité (les trans* seuls peuvent rencontrer un problème non d’interdiction, mais de reconnaissance civile d’identité sexuée), l’Évangile n’en parle pas, sauf pour la condamner en Rm 1, et s’il était possible d’y lire quelque chose qui en parle en dehors de cette condamnation-là (qui s’ajoute à celle du Lévitique), il faudrait mettre en avant la loi de l’amour, qui n’a rien à voir pourtant avec la sexualité comme telle. Les indications concernant le mariage ne portent que sur l’union de l’homme et de la femme. S’il n’y a pas lieu de suivre ces indications dans le détail de la lettre, en suivre l’esprit ne consiste pourtant pas à les ignorer purement et simplement quand on se réclame de la Bible.

5. « Dieu nous aime sans condition » :
 nous l’affirmons avec confiance dans notre ignorance humaine, et n’avons nulle autorité pour nous juger les uns les autres au nom de Dieu. Dieu seul juge, et ses jugements ne sont pas ceux des hommes (voir l’ouvrier de la onzième heure).
6. « Nous refusons d’invoquer entre autres les récits de création du livre de la Genèse, notamment l’affirmation selon laquelle “Dieu les créa mâle et femelle” » :
 notre lecture n’a rien de littéral, mais nous refusons d’amputer la Bible selon nos convenances au gré du temps et des biopolitiques ; le récit de la Création ne donne pas moins à réfléchir, librement et diversement, que n’importe quel autre récit biblique ; que le genre humain soit composé d’hommes et de femmes (dont les comportements sexuels restent d’ailleurs ouverts), grâce à quoi l’espèce s’est perpétuée et se perpétue encore (peut-être pas pour longtemps !), est un truisme certes, mais qu’il est absurde de nier : qu’on puisse être bi* ou homo* (affaire de comportement) ou trans* (affaire d’identité) ne fait qu’illustrer, conforter, mettre en œuvre cette bipartition.
 Je me demande en outre pourquoi est évoqué ici le texte de la Création : est-ce pour mieux taire les (rares) interdictions explicites de l’homosexualité dans la Bible, ou pour induire une confusion entre la position contre le mal nommé « Mariage pour tous », et le créationnisme ?

7. La « normalité hétérosexuelle » n’est pas à prendre à la lettre dans la Bible :
 il faut être arrivé au 21e siècle et à sa foire aux organes, gamètes et autres cellules souches dans les banques du néolibéralisme, pour s’aviser tout à coup que l’hétérosexualité puisse ne pas constituer l’ordinaire humain. Cet ordinaire, on peut l’appeler normalité, mais celle-ci est en effet à distinguer de la norme et ne doit pas être systématiquement lue dans une opposition à l’anomalie. Quels que puissent être par ailleurs, selon les pays, les législations répressives et les usages, la normalité n’a en soi rien d’exclusif ni d’une « assignation à résidence sexuelle » (titre du dernier colloque dont j’aie reçu l’annonce sur ce sujet).
 quand on voit la difficulté de la Genèse ou d’Hésiode à introduire le féminin, il faut encore ajouter que cette question fait difficulté dans des traditions innombrables, et qu’à interroger le mythe ici où là, on se rendrait compte que ce qui de tout temps est apparu comme anormal (aux mâles sans doute), c’est bien l’existence de la femme et la dualité des sexes.

8. « Des arguments psychologiques, psychanalytiques, ontologiques ou anthropologiques, et […] tout en faisant ainsi appel à des disciplines qui ne sont même pas unanimes sur cette question, on sacrifie, sans les critiquer à partir de l’Évangile, à des modes intellectuelles » :
 pas plus unanimes en effet que les lectures de la Bible, mais quels sont les arguments qui relèvent le plus d’une « mode intellectuelle » ? Et s’agit-il seulement d’une joute intellectuelle ? Les implications des biopolitiques actuelles, dont les présentes « thèses » représentent, sous couvert de « minorités » à défendre, la tendance déferlante et dominante dans toutes les acceptions de ce terme, sont graves. Autant que, autrefois, l’autorité des dogmes appliquée par l’Inquisition.

9. Ne pas « établir des échelles de valeurs en fonction de l’orientation affective et sexuelle des couples de même sexe, des transsexuels et des autres minorités sexuelles » :
 « orientation » est proche de « goût » ; mais les goûts sont conjoncturels et ne constituent pas des groupes sociaux, des « minorités » comme telles ! Imaginons qu’on vienne légiférer sur les végétariens ou la « minorité » des fumeurs de Havane… ne suffit-il pas que l’offre licite existe dans un pays libre pour satisfaire les goûts ? Et quelles seraient ces « autres minorités sexuelles » ? Je m’abstiendrai de proposer toutes les réponses possibles. Ne voyez-vous donc pas que ce langage et les concepts qui le soutiennent ont quelque chose de grotesque, quelque vérité affective qui vous anime et que je respecte ?

10. « Toute interprétation des textes bibliques à des fins d’exclusion, notamment des minorités sexuelles, tombe sous le coup de la même critique d’ignorance du salut par grâce au moyen de la foi et [..] elle est la victime, volontaire ou non, de certaines tendances particulières de la psychologie, de la psychanalyse ou de la philosophie »
 « tombe sous le coup » : qui exclut qui par cette interprétation péremptoire du dogme ? Faut-il appartenir à une « minorité sexuelle » pour ne plus risquer d’ignorer le salut ? Des « amitiés particulières » (de Peyrefitte) nous voilà passés, par un renversement de sens, aux « tendances particulières », dans un lexique tout aussi stigmatisant !
 Je note le jargon : « orientation » c’est bien, « tendance » c’est mal… ? Mais voir la thèse 30.

11. – Oui, tout se discute.
12. – Qui prononce cette exclusion a priori ?
13. – Ce témoignage nous touche.
14. – Soyez pourtant assuré, de la part de quelqu’un qui, sans être sûre de sa majorité, ne croit pas appartenir à une « minorité sexuelle » (mais certainement à un sexe que votre combat fait apparaître plus secondaire que jamais, désormais annexé par le « premier » sexe), d’une acceptation pleine et entière de ce que sont ces personnes minoritaires et de ce qu’elles vivent dans leur existence affective, et d’une détermination à les soutenir contre toute atteinte à leur dignité.

15. Définition du péché :
 je ne chercherai pas, quant à moi, à en donner une définition, mais je vous crois très peu à l’écoute de tant de gens simplement inquiets et perplexes devant les développements du pouvoir biopolitique.

16. « Guérir l’homosexualité » :
 c’est en effet absurde et révoltant. Autant, par exemple, que de prétendre diagnostiquer et guérir l’« autisme » chez des individus sans problème mais « différents », ce qui est pourtant autant à la mode que le « mariage pour tous » et, maintenant qu’on en a découvert le gène, nous promet une sélection d’embryons très « orientée », elle aussi. À ce compte, « l’idiot de la famille », Flaubert, n’aurait pas vu le jour, comme tant d’autres individus simplement « différents » ! Mais la solution est-elle de faire comme si ces individus n’étaient pas différents ? N’est-ce pas une autre manière de se priver de leur altérité ?

17-28. « De la justification de toutes les identités » :
 qu’est-ce qu’une identité ? Celle peut-être que me donne ma carte d’identité : mon nom, ma date et mon lieu de naissance, mon sexe, taille et poids, éventuellement profession et adresse ; la biométrie permettra peut-être de supprimer l’indication du sexe, faudrait-il la remplacer par celle de l’« orientation sexuelle » ? Celle-ci est-elle déterminante de mon « identité », même si, intimement, j’ai telles ou telles attaches, tels engagements, tels fantasmes… ? La généalogie dont je suis issu(e), mon éducation, n’interviennent-elles pas aussi fortement que mes relations sexuelles dans la définition de mon identité intime et personnelle ?

29. « Croissez et multipliez »
 votre interprétation est originale ! mais on doit lire dans cette injonction biblique une invitation à proliférer dans l’avenir, ce qui est tout autre chose (quoique non exclusif, admettons-le) que de suivre chacun sa fantaisie, hic et nunc.

30. « Tendance à la diversification »
 au moment où la science déplore une dramatique chute de la biodiversité ; où l’anthropologie déplore l’uniformisation des modèles de société ; où la sélection des embryons ou la négation de la bipartition sexuelle tend à réduire les dernières barrières vers l’entropie accélérée, cette affirmation est pour le moins incongrue !

31. « Diversité des orientations sexuelles » :
 combien en admettez-vous ? si vous arrivez jusqu’à dix, vous aurez gagné !

32. Contre la complémentarité au sein du couple :
 donc le couple, c’est deux individus côte à côte, bonjour monsieur/madame, bonjour madame/monsieur, et basta, on n’a rien à faire ensemble sauf dodo, si tu as froid je ne te donnerai pas ma chaleur, si tu es malade je ne serai pas garde-malade, et on se rencontrera au service de PMA pour échanger nos gamètes dans une éprouvette et les implanter à tour de rôle dans le ventre 1 et dans le ventre 2… ?
 à l’évidence, on vise ici une expression immédiatement mise au compte d’un sexisme rétrograde. On recourt à la langue de bois supposée de l’adversaire, et on se bat contre le moulin à vent ainsi constitué plutôt que contre le contradicteur en chair et en os (imaginez en effet – cachez ce sein ! – qu’il s’agisse d’une femme “hétéro” capable d’enfanter sans GPA ni PMA !)

33-37. Ouverture aux autres
 J’applaudis. L’autre : d’abord l’autre sexe, l’enfant, l’étranger, l’autiste et l’aliéné. Et, en dehors de la maladie, c’est bien qu’ils restent autres, sinon quel ennui !

38. « Polarité homme-femme », derechef :
 ce nouveau langage polaire (oui, parfois il fait froid dans le dos) suppose un continuum qui certes existe, mais de part et d’autre d’une frontière elle aussi réelle quoique non étanche (comme toutes les frontières biologiques). Voudrait-on se priver de la dynamique rendue possible par l’opposition des pôles (y compris parfois le désir impérieux de changer de sexe) ? Cette opposition est pourtant, je le répète, structurante, y compris en vue de toutes les formes possibles de l’échange.
etc.


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