Les sourds nous invitent à penser la surdité non comme un handicap à réparer, mais comme une différence, comme une altérité remettant en cause nos évidences et nos certitudes auto-centrées. La langue des signes qu’ils ont su inventer est une richesse pour l’humanité. Elle atteste non seulement de l’absolue nécessité de la communication entre êtres humains, mais aussi des ressources inhérentes à l’humanité qui permettent de la mettre en place de façon adaptée aux situations les plus variées. Cette langue comme toutes les langues, leur permet d’acquérir les connaissances et la compréhension du monde, de même que l’accès à d’autres langues, au moins dans leur modalité écrite.
Pourtant, la croyance dans des progrès technologiques tout puissants, l’aveuglement, les préjugés ou que sais-je ont aboutis à l’interdiction de cette langue en Europe et en particulier en France, dans les instituts spécialisés à partir de 1880 et jusque dans les années 1990.
Un crédo dans la suprématie de la parole orale et articulée a entraîné l’enseignement spécialisé vers ce seul objectif de « faire parler les sourds » supposés privés de langage…Leur donner une parole audible est supposée leur permettre de s’intégrer, d’apprendre à lire, de réussir leurs études…
Hélas, dans bien des cas, l’énergie consacré à acquérir une parole articulée se fait au détriment du temps qui pourrait être consacré à acquérir des connaissances et maîtriser la langue écrite. Le niveau de sortie scolaire des sourds est donc plus bas qu’il pourrait être et devrait être.
Pourtant, les politiques sanitaires et réparatrices sont toujours majoritairement à l’œuvre aujourd’hui dans notre pays avec des techniques opératoires de plus en plus sophistiquées. Un dépistage néonatal au deuxième jour de la vie est préconisé par la Haute Autorité de Santé, sans que la surdité soit identifiée comme une maladie grave susceptible de mettre en danger la santé publique et malgré le fait qu’un diagnostic si précoce déstabilise la relation mère-enfant si importante pour l’avenir de l’enfant. Les implants cochléaires sont proposés à tous les parents sans qu’ils soient suffisamment informés des limites de cette technologie et surtout des choix alternatifs qui existent et qui pourtant sont reconnus par la loi.
Les financements ouverts par l’assurance maladie pour les opérations destinés à « faire entendre » n’ont pas d’équivalent pour la diffusion et l’enseignement de la langue des signes qui a fait ses preuves au cours des siècles précédents (1750-1880) grâce notamment à l’abbé de l’Epée et à l’étranger (pays nordiques, USA…)
Dans cette histoire troublée, les églises protestantes n’ont pas su porter ce combat du respect de la différence et de l’altérité par une compréhension trop restrictive du « logos », la parole divine faite chair, parole qui n’est pas une parole articulée, mais une parole qui fait signe, qui appelle et qui fait sens.
Entendrons nous aujourd’hui la « parole des sourds » ? ou serons nous sourds à leur parole ?
Venez signer leur pétition en faveur de la langue des signes et vous associer à leur demande que les jeunes sourds puissent avoir accès à cette langue dès leur jeune âge, la seule langue qui leur soit naturelle et dans laquelle ils peuvent s’exprimer sans effort et sans handicap.
Christine de Coninck
Lien vers la pétition
http://fnsf.org/
Lien vers le discours du ministre de la culture à l’occasion du tricentenaire de la naissance de l’abbé.
http://www.culturecommunication.gouv.fr/Espace-Presse/Discours/Discours-d-Aurelie-Filippetti-ministre-de-la-Culture-et-de-la-Communication-prononce-lors-de-la-reception-en-l-honneur-de-la-langue-des-signes-francaise-a-l-occasion-du-tricentenaire-de-la-naissance-de-l-Abbe-de-l-Epee
Christine de Coninck a participé à la traduction de l’évangile de Luc en
LSF, pilotée par l’Alliance biblique Française. Elle est membre de l’église
protestante mennonite de Villeneuve le Comte et souhaite que les églises
protestantes organisent une offre en LSF à destination des personnes
sourdes. A partir du 27 Janvier 2013, La Maison Verte à Paris 18ème propose
chaque dernier dimanche du mois un culte traduit en LSF par un interprète
professionnel.