Protestants pour le mariage pour tous : nos convictions théologiques
95 thèses pour l’accueil des minorités sexuelles au nom de l’Évangile
Le texte qui suit n‘est pas un communiqué de presse ; il ne représente que les rédacteurs et les signataires qui s’y retrouvent. Sans légitimité institutionnelle, il se présente comme un élément de plus pour débattre dans les Églises, les paroisses, les groupes ecclésiaux et la société civile.
Préambule
L’accueil inconditionnel des minorités sexuelles (souvent abrégées LGBTI pour « lesbienne, gay, bi-, trans- et intersexuelles ») découle de notre compréhension même de la foi que nous avons héritée de la Réforme et de la lecture que nous faisons des Saintes-Ecritures.
Nous partons de deux principes fondateurs :
l’orientation sexuelle différente de la norme hétérosexuelle ne peut être considérée ni comme une maladie, ni comme une déviance, voire une perversion, elle n’est donc pas choisie mais reçue comme partie intégrante de la personnalité de l’individu.
De ce fait, le rejet, les vexations, le refus d’accueil, les tentations de « guérison forcée », la non-admission aux ministères, voire même l’indifférence dont font souvent l’objet les membres de ces minorités dans beaucoup d’Églises sont même à considérer comme un contre-témoignage flagrant de l’Évangile. Rien dans notre foi ne justifie qu’on interdise le mariage civil de couples de même sexe ni même leur parentalité. Tout porte même à croire que nous sommes appelés à répondre favorablement à leurs demandes de bénédiction publique, d’intégration et d’accompagnement !
Ces deux principes fondateurs expriment la conviction intime d’un nombre croissant de pasteurs et de fidèles des Églises luthéro-réformées francophones. Encore fallait-il la formuler et l’argumenter.
A l’occasion de la création du PACS et plus récemment du projet de loi concernant le « mariage et l’adoption pour tous », ces questions ont été débattues sur diverses tribunes dans nos Églises. Les arguments déployés par les uns et les autres s’appuyaient souvent sur des points de vue partiels et partiaux des sciences humaines. Un raisonnement résolument théologique, s’appuyant sur les bases mêmes de la foi protestante et une lecture contextuelle des textes bibliques, n’était présent qu’en pointillé.
Les auteurs de ce texte ont cherché à y remédier. L’idée des 95 thèses est née lorsque la présentation de la loi concernant « le mariage et l’adoption pour tous » au conseil des ministres (finalement reportée au 7 novembre) avait été programmée pour le 31 octobre 2012 (jour de la Réformation, 495ème anniversaire de l’affichage des 95 thèses de Martin Luther en 1517, date symbolique marquant la naissance de la Réforme protestante). Comme la question des indulgences à l’époque du moine Augustin allemand, une question apparemment secondaire telle que l’accueil des minorités sexuelles semble relever en réalité des fondations mêmes de la foi chrétienne.
Les premiers signataires sont intervenus à un niveau ou un autre dans la genèse de ce document. Les cosignataires qui sont appelés à se multiplier reconnaissent par leur signature qu’ils se retrouvent, chacun-e, entièrement ou majoritairement dans ce texte.
Un résumé en 12 points suit les 95 thèses. à signer ici : http://www.petitionpublique.fr/PeticaoVer.aspx?pi=P2012N31891
Introduction
1. Nous voulons, par les thèses qui suivent, prolonger le geste accompli par Martin Luther lors de l’affichage de ses 95 thèses sur la porte de l’église de Wittenberg en invitant nos frères et nos sœurs dans la foi à méditer sur les conséquences inclusives de notre foi commune dans le salut par grâce au moyen de la foi. Cette inclusivité concerne notamment l’accueil des minorités sexuelles.
2. Nous reconnaissons que nos mentalités et notre société sont profondément marquées par la polarité homme/femme, que l’hétérosexualité soit la forme d’identité sexuelle la plus répandue, et que cette polarité joue un rôle majeur dans la construction de toutes les identités sexuelles, mêmes minoritaires.
3. Nous refusons qu’en matière de sexualité, de conjugalité et de parentalité, l’invocation de la Loi et de l’Évangile serve à imposer le comportement majoritaire dans notre société comme dans nos Églises comme une norme unique et exclusive.
4. Nous reconnaissons dans la Bible une grande diversité de parcours de foi, dans lesquels la vie affective et sexuelle des témoins n’a pas été l’élément déterminant de leur relation à Dieu.
Des lectures mortifères des Écritures
5. Nous affirmons que Dieu nous aime sans condition, nous sauve et accueille dans son pardon celles et ceux qui mettent leur foi en lui et considérons, comme contestable spirituellement, le fait de justifier le refus de reconnaître aux personnes leur statut de membres à part entière de l’Église, du fait de leur orientation sexuelle.
6. Nous refusons d’invoquer entre autres les récits de création du livre de la Genèse, notamment l’affirmation selon laquelle « Dieu les créa mâle et femelle », faisant ainsi appel à un littéralisme qui, en dépit de l’intérêt suscité dans nos Églises pour les approches historiques, scientifiques ou contextuelles des Écritures, demeure la conception la plus répandue dans les milieux chrétiens dès qu’il s’agit de trouver dans la Bible des réponses à nos questionnements éthiques et sociétaux.
7. Nous affirmons qu’une lecture qui prétend tirer des Écritures l’affirmation de la norme intangible et immémoriale d’une « normalité hétérosexuelle » est une interprétation qui cherche seulement à justifier les préjugés à partir desquels on lit la Bible. De fait, cette lecture impose ces préjugés aux Écritures elles-mêmes et aucune lecture ne peut se réclamer de quelque littéralisme que ce soit pour imposer son interprétation à l’exclusion de toute autre.
8. Nous en voulons pour preuve qu’on éprouve le besoin d’apporter à l’appui de cette interprétation des arguments psychologiques, psychanalytiques, ontologiques ou anthropologiques, et que tout en faisant ainsi appel à des disciplines qui ne sont même pas unanimes sur cette question, on sacrifie, sans les critiquer à partir de l’Évangile, à des modes intellectuelles.
9. Nous affirmons l’importance des sciences précitées tout en interrogeant un certain usage de ces théories pour établir des échelles de valeurs en fonction de l’orientation affective et sexuelle des couples de même sexe, des transsexuels et des autres minorités sexuelles.
10. Nous affirmons que toute interprétation des textes bibliques à des fins d’exclusion, notamment des minorités sexuelles, tombe sous le coup de la même critique d’ignorance du salut par grâce au moyen de la foi et qu’elle est la victime, volontaire ou non, de certaines tendances particulières de la psychologie, de la psychanalyse ou de la philosophie sur lesquelles elle prétend appuyer ces interprétations.
11. Nous nions qu’une interprétation des Écritures inspirée par le Saint-Esprit et éclairée par la foi puisse conclure que toute orientation sexuelle autre que l’hétérosexualité serait une perversion due soit à un choix de vie individuel, soit à une immaturité du développement psychique, affectif ou autre.
12. Nous protestons de ce qu’en excluant a priori du bénéfice de la Grâce divine une large minorité d’entre nous, une interprétation aussi exclusive de la Bible ne nuise à l’autorité que nous reconnaissons aux Écritures.
13. Nous témoignons que beaucoup de personnes trouvent dans la prière et la méditation des Écritures une aide puissante de Dieu qui leur permet d’accepter tous les aspects de leur identité singulière, en particulier leur orientation sexuelle.
14. Nous témoignons de ce qu’en les enfermant dans une conception avilissante de leur sexualité, les discours d’exclusion prononcés au nom d’une interprétation partiale des Écritures privent celles et ceux d’entre nous qui en ont le plus besoin de l’accès à l’amour inconditionnel de Dieu. Ils leur barrent le chemin d’une acceptation responsable de leur sexualité en les maintenant ainsi dans la solitude que peut représenter une vie « au placard », la désespérance et la « damnation », tant à leurs propres yeux qu’aux yeux des autres.
15. Nous nous opposons à toute gradation du péché et d’autant plus celle qui ferait de l’homosexualité une manifestation du péché. Le péché au sens biblique n’est pas à comprendre comme un acte répréhensible ou une orientation personnelle particulière, mais comme l’attitude de détournement de Dieu.
16. Nous dénonçons l’utilisation des Écritures et du salut par Grâce pour justifier les programmes destructeurs prétendant « guérir » l’homosexualité.
De la justification de toutes les identités
17. Nous affirmons que l’orientation sexuelle, quelle qu’elle soit, relève de l’identité de chaque personne, que cette identité se développe en elle dans le jeu complexe des prédispositions génétiques, de l’héritage culturel et familial et des interactions sociales tout au long de la vie.
18. Nous affirmons que ces « choix » inconscients dans lesquels interviennent autant l’inné que l’acquis, même s’ils relèvent in fine de la responsabilité de la personne devant Dieu, ne peuvent être ni déniés, ni refoulés, ni soignés, mais assumés consciemment en tant que dimension profondément enracinée de l’identité de la personne.
19. Nous affirmons qu’il appartient à chacune et à chacun d’entre nous de reconnaître dans le jeu des prédispositions génétiques et de l’héritage culturel et familial à partir duquel s’est construite, consciemment et inconsciemment, sa personnalité, ce qui relève de l’action créatrice de la Parole de Dieu.
20. Nous affirmons que cette acceptation de soi-même en tant que créature de Dieu est une étape majeure de l’acceptation par chacune et chacun d’entre nous de son identité personnelle en général et de son orientation sexuelle en particulier.
21. Nous reconnaissons que, cette acceptation de soi-même en tant que créature de Dieu passe par la confession de notre condition de pécheurs, conformément à la tradition protestante dont nous nous réclamons. Le pardon inconditionnel en Jésus-Christ crucifié et ressuscité nous place sous le bénéfice de la bénédiction prononcée par Dieu sur sa création.
22. Nous estimons qu’aussi difficile soit-elle à accepter pour nos mentalités modernes marquées par l’humanisme, la conception radicale du péché originel développée par les réformateurs du XVIème siècle s’applique à tous les êtres humains, sans distinction d’orientation sexuelle.1
23. Nous estimons que, conformément à l’enseignement des réformateurs, la foi en Jésus-Christ rétablit chacune et chacun d’entre nous, quelque soit son identité sexuelle, dans son statut d’enfant aimé de Dieu. 2
24. Sur la foi de l’Évangile qui nous est ainsi annoncé, nous ne croyons pas que Dieu demande à quiconque de renoncer à sa sexualité ou à son identité sexuelle pour être considéré comme juste devant Lui.
25. Nous croyons que la foi en Jésus Christ induit une dynamique de transformation spirituelle qui nous permet de vivre nos identités sexuelles dans l’assurance de l’amour de Dieu et de son pardon.
26. Nous croyons que chacune et chacun, quelle que soit son identité sexuelle, est invité à se présenter sans honte et en confiance devant le Père, pour recevoir l’aide et le soutien du Saint-Esprit dans la réalisation de la vie belle, bonne, heureuse et juste à laquelle il est appelé.
27. Nous considérons que chaque chrétien, quelle que soit son identité, son statut social, est appelé à être membre du corps du Christ et à vivre sa vocation dans l’Eglise et dans le monde. Nous considérons que l’appartenance à une minorité sexuelle n’est aucunement un empêchement à accéder à un ministère reconnu par l’Eglise (pasteur, diacre, prédicateur laïque etc.).
28. Nous proclamons l’accueil extraordinaire et extravagant3 de Dieu dont la Création reflète la diversité des dons qu’Il a Lui-même placés dans l’Église.
De l’altérité et de la sexualité
29. Nous considérons qu’une lecture même littérale de Genèse 1 nous invite à voir la création comme une dynamique de diversification croissante signifiée par le « croissez et multipliez ».
30. Nous remarquons que dans l’état actuel des sciences, la compréhension de l’évolution de notre univers penche en faveur de cette même tendance à la diversification qui se manifeste aussi dans la marche de notre histoire humaine.
31. Nous considérons la diversité des orientations sexuelles comme une manifestation de cette dynamique de diversification, non seulement dans ses effets biologiques mais également culturels et sociaux.
32. Nous interrogeons la thèse, marquée par le mythe païen de l’androgyne, d’une complémentarité entre l’homme et la femme au sein du couple.
33. Nous affirmons que la dynamique de la Création et du Salut provoque en nous autant qu’elle exige de nous une ouverture à l’Autre et aux autres. C’est à nos yeux le sens premier du double commandement donné par Jésus : Écoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur ; tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force. Voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
34. Nous croyons ainsi que cette « ouverture » signifiée par l’unique commandement de l’Écoute est à l’origine de l’identité de chacune et chacun d’entre nous, mais aussi des couples que nous formons et des formes selon lesquelles il nous est offert d’organiser notre vivre ensemble.
35. Nous croyons que cette ouverture à l’Autre est la marque principale en chacun et chacune d’entre nous de notre statut de créature à l’image de Dieu. Notre humanité répond à sa vocation d’image de Dieu en entrant en relation, en répondant à l’appel à s’ouvrir à autrui dans l’écoute, le respect et le don de soi.
36. Nous considérons que l’image de Dieu, restaurée en Jésus-Christ, nous sauve de la fermeture mortelle du narcissisme, en dépit de nos peurs, de nos résistances et de nos révoltes et nous conduit à reconnaître dans les différences et les singularités de chacun et de chacune d’entre nous la marque de cette altérité qui, à l’image de Dieu, nous fait être et devenir ce que nous sommes.
37. Nous considérons ainsi que nier l’altérité constitutive de l’identité de chacune et de chacun d’entre nous en considérant l’autre seulement comme un objet n’est le privilège d’aucune orientation sexuelle particulière, mais est la conséquence majeure du péché dans tous les domaines de notre vie, de la sexualité à l’économie.
38. Nous estimons qu’en tant que signe de notre condition de créatures, l’altérité s’exprime dans toutes les dimensions de l’existence humaine et que la polarité homme/femme, même si c’en est la forme la plus répandue, n’en est qu’un marqueur parmi d’autres.
39. Nous estimons que toutes les formes de sexualité, à partir du moment où elles s’inscrivent dans le cadre d’une relation égalitaire, responsable et respectueuse de l’altérité du partenaire, sont légitimes et ne peuvent être considérées comme une conséquence du péché.
40. Nous reconnaissons dans les plaisirs, les joies, les surprises et les émerveillements partagés que nous procure une sexualité vécue dans le respect, la réciprocité et l’amour des manifestations tangibles de la Grâce.
41. Nous affirmons qu’aucun interdit ne frappe a priori la sexualité humaine ; les seules normes de l’acte sexuel sont l’écoute, l’amour, la tendresse, le respect de l’autre et de soi-même…L’acte sexuel est un dialogue complexe des corps, source de joies et de déception parfois, lieu d’expression du désir et d’accomplissement de l’amour, dans la tendresse, le jeu, l’attente, le plaisir, la jouissance …
42. Nous exhortons les Eglises à intégrer davantage toutes ces composantes affectives et sexuelles afin de découvrir toute la richesse de la diversité donnée en Dieu.
Du couple, des enfants et de la bénédiction
43. Nous considérons que la polarité masculin/féminin est un des éléments parmi d’autres du jeu complexe de différences et d’affinités qui enrichissent la vie d’un couple (culture, vocation, histoire, foi…).
44. Nous affirmons que dans le lien qui unit tout couple s’exprime l’alliance, cette relation unique que Dieu construit avec chaque être humain, qui a été illustrée dans la Bible par de nombreux dialogues amoureux entre Dieu et son peuple, l’époux et l’épouse, Jésus et l’Église …
45. Nous croyons que l’accomplissement dans la durée du quotidien de nos projets de couples est un des lieux privilégiés où quelque chose se dit de cette relation d’ouverture par laquelle Dieu nous crée et nous sauve.
46. Nous affirmons que quelle que soit la complexité de notre identité de sexe ou de genre, les formes particulières de couples que nous sommes appelés à constituer à partir de là sont toutes au bénéfice de la bénédiction divine.
47. Nous affirmons que la bénédiction nous vient de Dieu et qu’elle dépasse largement nos critères humains de jugement.
48. Nous exhortons tous les responsables d’Église à voir ce qu’il y a de beau et de bon dans les demandes de bénédiction d’union de couples de même sexe.
49. Nous affirmons qu’il est autant de la vocation de l’Église d’accompagner ces demandes que de proclamer la Grâce première de Jésus Christ pour chaque créature.
50. Nous considérons comme légitime la demande par tous les couples engagés dans la durée, le respect et la fidélité mutuelle d’une célébration religieuse publique au cours de laquelle cette bénédiction divine leur sera signifiée.
51. Nous estimons que cette célébration a pour but, dans le cadre de l’égalité des droits affirmée par la loi civile, de faire porter l’accent sur la singularité constitutive de chacun des couples que nous formons.
52. Nous croyons que la foi dans le Dieu un : Père créateur, Fils sauveur et Esprit rédempteur, telle qu’elle s’exprime dans la louange et la prière de la communauté chrétienne, sont une aide offerte à tous les couples dans la réalisation au quotidien de leur projet, dans les joies comme dans les difficultés.
53. Nous estimons que la reconnaissance d’un couple par une communauté civile ou religieuse suppose de la part de ce couple un projet s’inscrivant dans la durée et la fidélité.
54. Nous estimons que cet engagement de durée et de fidélité peut prendre toute sa valeur même quand le projet de ce couple ne comporte pas l’accueil d’enfants au sein d’un foyer, mais que c’est un désir légitime nourri par l’altérité constitutive de tout couple.
55. Nous estimons que ce qui qualifie un couple pour accueillir le surcroît d’altérité que sont les enfants réside dans l’ouverture à la singularité de chacun au sein du couple, quelle que soit sa composition.
56. Nous protestons de ce que la renonciation à la parentalité n’est pas le prix à payer pour obtenir l’indulgence ni de Dieu, ni de la communauté chrétienne à l’égard de notre identité sexuelle, aussi minoritaire soit-elle.
57. Nous affirmons que pour nous, chrétiens, le fondement sur lequel nos enfants sont appelés à construire leur propre identité, c’est d’abord et avant tout la foi en Christ crucifié et ressuscité, qu’ils soient ou non baptisés, quelles que soient les particularités de la famille qui les accueille.
58. Nous estimons que les questions de parentalité et de filiation doivent être traitées dans le respect des parents à l’égard de l’altérité de chacune et chacun de leurs enfants. Cette altérité suppose que l’enfant, autant que faire se peut, ne soit pas privé de la connaissance de ses antécédents génétiques, de son histoire propre et familiale qui le constituent comme un individu différent en tant que tel, et qu’il puisse bénéficier dans son entourage proche des référents des deux genres ou sexes dont il a besoin pour se construire comme une personne autre que celles ou ceux qui l’accueillent.
59. Nous exhortons les responsables d’Eglise, les pastorales et commissions familiales et conjugales et toute personne dont l’appel est celui d’accompagner les familles, à accueillir toutes les formes de familles actuelles.
De l’homosexualité dans la Bible
60. Nous rappelons que le concept d’homosexualité est un concept anthropologique apparu à la fin du XIXème et que son application sans précaution dans l’interprétation des textes bibliques ne peut être que sujette à caution. Il convient donc d’observer la plus grande prudence dans l’assimilation de certaines pratiques mentionnées dans la Bible à propos ce que nous désignons aujourd’hui par “homosexualité”, notamment dans le cadre d’une lecture de la Bible qui se voudrait littérale.
61. Nous constatons qu’une fois ces précautions prises, les références bibliques à ce qu’on pourrait assimiler à de l’homosexualité sont extrêmement rares au regard de l’ensemble du corpus.
62. Nous affirmons que cette rareté peut être considérée comme une marque du faible intérêt de la Bible pour les pratiques assimilables à l’homosexualité.
63. Nous affirmons qu’en se présentant elle-même comme une « Histoire Sainte », la bibliothèque biblique nous invite à une lecture historique et contextuelle de son contenu.
64. Nous constatons que dans la perspective historique sous laquelle elle se présente elle-même, la Bible témoigne de l’évolution des pratiques conjugales : polygamie dans le livre de la Genèse, montée en puissance de la monogamie du livre de l’Exode aux livres des Rois et préférence marquée par Paul pour la chasteté et le célibat.
65. Nous remarquons que la bibliothèque biblique se présente elle-même comme compilation organisée selon une logique historique de témoignages divers et riches, transmis par des croyants inspirés dans des contextes historiques qu’ils prennent en général soin de mentionner.
66. Nous considérons que nous sommes fidèles à l’intention de ces témoins quand nous nous laissons interroger par leur message et en nourrissons nos convictions en tenant compte des contextes dans lesquels ceux-ci ont été touchés par la Parole de Dieu et l’ont proclamée.
67. Nous affirmons que la division de cette bibliothèque en livres relevant de l’ancienne alliance et de la nouvelle alliance nous invite à considérer que certaines pratiques qu’interdisait l’ancienne alliance ne le sont plus sous le régime de la nouvelle.
68. Nous considérons que l’abandon par la nouvelle alliance des interdits alimentaires (notamment Actes 10) ou de l’obligation de la circoncision peut se généraliser par analogie à d’autres interdits et obligations considérées comme relevant de la volonté divine dans l’Ancien Testament.
69. Conformément à une tradition qui trouve sa source dans la réaffirmation par les réformateurs du XVIème du salut par grâce au moyen de la foi en Jésus-Christ crucifié et ressuscité, seul Seigneur et sauveur, nous considérons que cette affirmation, parce qu’elle résume pour nous l’Évangile, est la clef de lecture à partir de laquelle nous pouvons déterminer la valeur de tel interdit ou de telle obligation.
70. Nous restons attachés à la conviction des réformateurs selon laquelle c’est la « grammaire » qui nous ouvre un accès fécond au texte biblique.
71. Nous constatons que depuis le XVIème siècle, de grands progrès ont été accomplis dans la « science grammaticale », pour une bonne part à partir d’une pratique académique de l’examen des textes bibliques, notamment dans la prise en considération des structures logiques et narratives des textes, de l’analyse des différences styles entre les différents livres et à l’intérieur de ces livres, de la prise en compte des contextes probables de la rédaction des textes et des genres littéraires adoptés par les rédacteurs pour livrer leur message.
72. Nous ne pouvons nier que, même si quelques textes encore plus rares semblent offrir des récits positifs que certains lecteurs contemporains assimilent à des amours homosexuelles, la plupart des ces rares textes stigmatisent ce que des lecteurs contemporains pourraient prendre pour des pratiques homosexuelles.
73. Nous remarquons d’abord qu’aucun de ces textes ne vise directement l’homosexualité féminine.
74. Nous estimons que les textes qui font référence à ce qui peut être assimilé aujourd’hui à de l’homosexualité doivent interprétés en tenant compte de la distance historique qui sépare le contexte de leur rédaction et notre contexte actuel.
75. Nous considérons qu’une lecture qui esquive cette nécessité est d’une part infidèle à l’affirmation par la Bible elle-même de son historicité et conduit d’autre part à imposer sans limites nos propres préjugés au texte.
76. Nous affirmons ainsi que le récit de Sodome et Gomorrhe (Genèse 19) ne sanctionne pas une pratique homosexuelle, mais une infraction grave aux règles antiques de l’hospitalité, règles qui, conformément à l’Évangile que nous avons reçu, demeurent encore pour nous exemplaires du respect dû à la personne d’autrui.
77. Nous affirmons que les textes du Lévitique (18 et 20) stigmatisant le fait de coucher avec un homme comme on le fait avec une femme s’inscrivent dans les règles complexes de pureté et d’impureté mais aussi dans une dimension tribale dans laquelle l’honneur de la famille dans toutes ses extensions était centrale.
78. Nous croyons que ces textes, dont le contenu est nécessaire pour une juste compréhension du contexte d’alors, font partie des textes abolis par la Nouvelle Alliance au même titre que ceux concernant l’obligation de la circoncision et les interdits alimentaires.
79. Nous considérons qu’il faut replacer les références probables à l’homosexualité de l’épître aux Romains et de la première épitre aux Corinthiens dans leur contexte apocalyptique et eschatologique : la mise par Paul de ces pratiques au rang des signes d’un monde qui court rapidement à sa fin nous semble relever d’un reste d’attachement de sa part à l’ancienne alliance.
80. Nous soutenons en outre que Paul vise principalement des pratiques cultuelles païennes mais aussi une société dans laquelle une certaine forme de sexualité assujettissante était un signe de réussite sociale.
81. Nous rappelons que cette même compréhension apocalyptique du monde finissant au sein duquel il annonce la venue du monde nouveau conduit Paul à affirmer dans l’épître aux Galates (3/28) qu’« il n’y a plus ni juif, ni grec, ni esclave, ni homme libre, ni homme, ni femme », ce que nous nous autorisons à interpréter comme une invitation à considérer la diversité des orientations sexuelles comme seconde au regard de l’Évangile et à la placer sous l’amour inconditionnel de Dieu pour chacune et chacun d’entre nous.
De la diversité assumée dans la communion
82. Bien que les questions éthiques soient secondes pour la foi, nous constatons avec tristesse que la question de l’accueil dans nos Églises des personnes faisant partie des minorités sexuelles suscite en leur sein des débats d’une telle acuité qu’elle pourrait rapidement relever du status confessionis, c’est-à-dire y engendrer exclusions, divisions et même schismes.
83. Nous affirmons que la conception protestante de la communion nous invite, dans tous les domaines, y compris celui de la sexualité, de la conjugalité et de la parentalité, à envisager notre unité selon un modèle fédérateur au sein duquel nos conceptions morales et éthiques peuvent cohabiter et non pas selon le modèle Romain qui prétend imposer à la société l’univocité de ses modèles doctrinaux, moraux et éthiques.
84. Nous concédons que les mentalités ont besoin de temps pour évoluer et que le fait d’avoir eu longtemps une lecture modérément littéraliste des textes concernant l’homosexualité et la Création sera encore un obstacle pour nombre de protestants – fidèles, responsables, pasteurs – à réserver un accueil inconditionnel aux minorités sexuelles, voire à procéder à la bénédiction de couples de même sexe. Nous prétendons qu’à partir d’autres points de vue, d’autres lectures « littérales » de la Bible sont possibles et souhaitables pour rendre accessibles à tous le message biblique.
85. Nous concédons qu’il faudra sans doute prévoir, par souci d’unité, une clause « de conscience » permettant à des pasteurs et des congrégations de se refuser à de telles bénédictions.
86. Nous affirmons que nos Eglises, en tant qu’institutions, par fidélité à l’Évangile qui leur a été confié, doivent veiller à ce que l’accueil inconditionnel des minorités sexuelles puisse s’effectuer partout sur leur territoire et à ce que les demandes de bénédiction par des couples de même sexe soient prises en comptes.
87. Nous considérons qu’elles doivent veiller à avoir un entretien fraternel avec les pasteurs et congrégations concernés à chaque fois qu’elles ont connaissance d’un refus d’accueil ou d’acte pastoral concernant ces minorités.
88. Nous exhortons au dialogue tous les chrétiens de bonne volonté, afin qu’en dépit de nos lectures opposées de la Bible, nous laissions l’amour de Christ croître dans nos vies et faire croître Sa Vie en nous. Nous les exhortons à considérer avec miséricorde la pluralité des arguments déployés de part et d’autre, s’efforçant à reconnaître en autrui le visage d’un frère/d’une soeur en Christ malgré des convictions divergentes.
89. Nous invitons les responsables d’Église, en concertation avec les membres des Eglises locales, à accompagner les entreprises de dialogue, en dépit de leurs possibles résistances, afin que des idéologies étrangères au message de l’Évangile ne nous empêchent pas de témoigner de l’amour inconditionnel que nous porte le Christ au travers de l’amour que nous nous portons les uns aux autres.
90. Nous engageons chacun et chacune à remettre dans la prière la situation complexe dans laquelle les bouleversements éthiques et moraux plongent nos Eglises afin qu’avec l’aide de l’Esprit nous discernions tous et toutes les chemins nouveaux que notre foi dans la Grâce ne peut manquer d’y ouvrir.
Du souffle créateur aux couleurs de l’arc-en-ciel
91. Nous réaffirmons notre foi en l’Eglise universelle, la communion des saints, la rémission des péchés et la vie éternelle, sans distinction de sexe, de genre, de classe et d’orientation sexuelle.
92. Nous croyons au banquet eschatologique final, qui réunira la diversité des créatures de Dieu, selon des critères divins qui par définition nous échappent.
93. Nous ancrons cette espérance dans l’arc-en-ciel de l’alliance, celle qui a été annoncée dans le Premier Testament puis réalisée en Jésus Christ et dont l’agir gracieux dans nos vies ne cesse de nous émerveiller.
94. Forts de l’amour que Dieu nous porte en Jésus Christ, nous lui confions les imperfections et les inexactitudes de ces thèses dont le but est de faire en sorte que tous ses enfants soient non seulement « accueillis » dans son Église, mais s’y sentent pleinement chez eux parmi leurs frères et leurs sœurs en Jésus-Christ.
95. Nous nous présentons en confiance devant Dieu, convaincus qu’au travers notre compréhension de l’Evangile et notre vie de foi, c’est Lui qui nous appelle à travailler à rendre nos Églises plus inclusives.
Oui, j’en ai l’assurance : ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni le présent ni l’avenir, ni les puissances, ni les forces des hauteurs ni celles des profondeurs, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ, notre Seigneur.
(Romains 8.38-39)
Soli Deo Gloria
Richard Bennahmias, Joan Charras-Sancho, Joël Dahan, Jürgen Grauling.
95 THESES RESUMEES EN 12 POINTS
• En invitant nos frères et nos sœurs à méditer sur les conséquences de notre foi commune en ce qui concerne l’accueil des minorités sexuelles, nous voulons prolonger le geste accompli par Martin Luther lors de l’affichage de ses 95 thèses. Nous présentons ici un résumé des 95 thèses que nous avons rédigées pour célébrer cet événement et auxquelles nous invitons à s’associer toutes celles et tous ceux qui s’y retrouveront.
• Conformément à une tradition issue des réformes protestantes, nous reconnaissons dans l’affirmation du Salut par Grâce au moyen de la Foi en Jésus-Christ crucifié et ressuscité, le résumé de l’Évangile et la clef de lecture à partir de laquelle nous sommes appelés à interpréter les Écritures.
• Une interprétation des Écritures inspirée par le Saint-Esprit ne peut conclure que toute orientation sexuelle autre que l’hétérosexualité serait une conséquence du péché ou une perversion.
• En matière de sexualité, de conjugalité et de parentalité, l’invocation de la Loi et de l’Évangile ne peut servir à imposer le comportement majoritaire comme une norme unique et exclusive, dans notre société comme dans nos Églises.
• Sur la foi de l’Évangile qui nous est annoncé, nous ne croyons pas que Dieu demande à quiconque de renoncer à son identité sexuelle pour être considéré comme juste devant Lui.
• L’altérité est le signe de notre condition de créatures, elle s’exprime dans toutes les dimensions de notre existence et de nos relations humaines ; la polarité homme/femme, même si c’en est la forme la plus répandue, n’en est qu’une manifestation parmi d’autres.
• Quelque soit la complexité de notre identité de sexe ou de genre, les formes différentes de couples que nous sommes appelés à constituer à partir de là sont toutes au bénéfice de la bénédiction divine.
• Nous considérons comme légitime la demande par tous les couples engagés dans la durée, le respect et la fidélité mutuelle d’une célébration publique au cours de laquelle cette bénédiction leur sera signifiée.
• La renonciation à la parentalité n’est pas le prix à payer pour obtenir l’indulgence ni de Dieu, ni de la communauté chrétienne à l’égard de notre identité sexuelle, aussi minoritaire soit-elle.
• Les questions de parentalité et de filiation doivent être traitées dans le respect des parents à l’égard de tout ce qui peut constituer l’altérité de chacune et chacun de leurs enfants.
• Bien que les questions d’éthique soient secondes pour la foi, nous constatons avec tristesse que la question de l’accueil dans nos Églises des personnes faisant partie des minorités sexuelles suscite au sein de nos Églises des débats d’une telle acuité qu’elle pourrait y engendrer exclusions, divisions et schismes.
• Nous invitons les responsables d’Église à vaincre leurs résistances personnelles pour accompagner les entreprises de dialogue, afin que rien ne nous empêche de témoigner, au travers de l’amour que nous aurons les uns aux autres, de l’amour inconditionnel que nous porte le Christ.
à signer ici : http://www.petitionpublique.fr/PeticaoVer.aspx?pi=P2012N31891