Peu d’années de plus ou de moins font parfois un très grand écart entre deux générations. Et ceux qui furent nos aînés de peu ont été mis devant des choix que notre enfance ne soupçonnait pas : la montée du nazisme, l’expansion soviétique, le déchaînement de la barbarie en Europe.
Georges Casalis, né en 1917, fut avec plusieurs de ses contemporains en première ligne de la résistance confessante en Allemagne. C’était aussi le temps de la construction du Christianisme social qui fut d’esprit évangélique et politiquement efficace.
C’est à son épouse de 1940, Dorothée Thurneysen, qui vient de nous quitter, que s’adresse ce bref témoignage de mémoire assez récente et de gratitude insuffisante. Je ne fis vraiment la connaissance de Georges que dès 1968, à la Commission des ministères de l’Eglise réformée de France. Ce n’est que plus tard, après son décès, que nous avons régulièrement rencontré Dorothée. Elle venait habiter dans notre 19è arrondissement de Paris et nous étions voisins. Son origine suisse, bâloise, nous la rendait plus proche. Un travail entrepris en commun allait nous conduire à solliciter son amitié, ses souvenirs, sa compétence théologique intuitive et modeste. Elle voulut bien relire la traduction française d’articles de Karl Barth publiés aux Etats-Unis et que allions présenter sous le titre L’Eglise en péril. Ce fut l’occasion de retrouver dans la correspondance entre Thurneysen et Barth, des indications précises et précieuses sur telle pensée, à telle époque.
Après le lointain printemps du couple Casalis dont les chemins allaient passer par Moncoutant, Berlin, Strasbourg et Paris, puis Noyon, et souvent au Nicaragua, après ce bel été des engagements exemplaires et risqués, nous étions dans la lumière plus douce et parfois isolée de l’automne. Les souvenirs de Dorothée Casalis, ces Chemins de vie « pour ceux - dont je suis – qui n’ont pas vu ce que j’ai vu », lus et relus, nous ont comblés de leur dynamisme joyeux. Les échanges se prolongeaient au Châtelet jusqu’à ce que s’installe, derrière un visage toujours accueillant, cette sorte d’hiver, sous une neige où les fleurs du futur se préparent à renaître. L’espérance, comme l’amour, ne meurt pas.
Michel et Laurette Leplay
Le 10 octobre 1911
Merci à Jacqueline Amphoux pour la retranscription.