Les membres du conseil presbytéral de l’Eglise Réformée d’Avignon, avec ses pasteurs, tiennent à exprimer quelques remarques au sujet d’une polémique « avignonnaise » :
– A propos d’une œuvre d’un artiste, nous voulons souligner qu’avant de juger il nous faut chercher à comprendre. Ainsi, la photo contestée de « Piss Christ » s’inscrit, pour l’artiste, dans une série qui a comme thématique les “humeurs corporelles”, en référence aux humeurs du Christ, très en vogue au Moyen Age, à l’image de phénomènes comme le Saint Suaire, et qui étaient considérées comme des œuvres de piété. De plus, cette photo est datée de 1987 et dans les années 80, A. Serrano travaillait une série sur les fluides. « C’était les débuts du Sida. La bave, la salive, le sperme... On ne savait pas encore précisément comment la contamination pouvait se faire ». En réalisant cette photo au cœur de ces « années Sida », qui avaient rendu si anxiogènes les liquides corporels, l’auteur voulait dépasser ces peurs en montrant de façon paradoxale que Dieu transcendait tout. Le Christ dans l’urine, cela peut être assimilé à une affirmation de l’Evangile où « c’est en s’abaissant qu’on s’élève », ou de Jésus lavant les pieds de ses disciples. Il peut donc s’agir d’une application très forte du message chrétien et qui peut être comprise à l’inverse de ce que certains ont pu y voir comme atteinte au christianisme. C’est l’ignorance qui est souvent source de violence, de rejet, de fanatisme ou d’intégrisme.
– Nous reconnaissons cependant que l’œuvre peut choquer et déranger lorsqu’elle est présentée sans explication mais nous ne comptons plus les nombreuses œuvres ou artistes qui ont pu choqués dans l’histoire de l’art et qui ont été rejetés ou incompris à leur époque. Cependant, la liberté de l’artiste est un bien précieux à défendre car elle est la condition même de son expression.
Par ailleurs, nous ne sommes plus à l’époque où c’était le clergé de l’Eglise qui commandait et contrôlait les œuvres d’art. Heureusement, la culture a opérée cette séparation d’avec l’institution ecclésiale et s’est émancipée de sa tutelle, obtenant ainsi son indépendance et son autonomie, à l’image de la séparation du politique et du religieux, source de liberté et d’apaisement. Les institutions ecclésiales ne peuvent plus, et ne doivent plus, aujourd’hui dicter ce que doit être toute forme de culture, même si elles conservent, comme tout un chacun, la liberté de critiquer et le souci du « plus faible » qui peut être troublé par une expression qui heurte ses convictions.
– En tant que chrétiens, nous affirmons que cette œuvre, comme toutes les autres, ne remet absolument pas en question notre foi qui n’est en rien tributaire des expressions libres et humaines que chacun peut projeter sur une tradition ou une histoire car notre référence en matière de foi, c’est la Bible, éclairée par le témoignage intérieur de l’Esprit Saint. Il y a, par ailleurs, des expressions de “foi” qui nous semblent bien plus contestables et contraires au message de l’Evangile lorsqu’elles donnent une image d’un dieu que nous ne reconnaissons pas dans le témoignage de la Bible, à l’instar, par exemple, d’un dieu guerrier, partisan, discriminant, que l’on peut invoquer comme justification d’actes humains de violence. Il s’agit là de dramatiques contres-témoignages au message d’amour et de miséricorde que nous lisons dans la Bible. « Se servir de Dieu » n’est pas « servir Dieu » !
– Nous rappelons que le premier à avoir subi la violence et la mort à cause d’une accusation de blasphème, c’est Jésus lui-même. La croix est la conséquence directe de cette accusation. Il serait paradoxal, et même scandaleux, que cette accusation serve désormais à condamner encore d’autres humains, quels qu’ils soient, pour qui Jésus a donné sa vie par amour.
– Enfin, nous sommes convaincus qu’il y a des sujets d’indignation bien plus graves et importants que l’exposition d’une photographie et nous exhortons tous les croyants à s’indigner surtout du sort qui est fait à nombres d’humains dans le monde qui subissent l’injustice, la violence, la misère, la haine, le rejet, l’humiliation… C’est à cette œuvre là que nous devons travailler pour être fidèles au message de la Bonne Nouvelle de l’amour, révélée en Jésus-Christ.
Le conseil presbytéral de l’Eglise Réformée d’Avignon et ses pasteurs, Christian Badet et Sibylle Klumpp