Je reprends ici, en quelques lignes, mon intervention du 2 octobre pour introduire le débat « Christianisme social, notre rapport au politique ». L’idée de cette introduction était d’une part de mettre le débat en contexte et d’autre part de témoigner de lancer quelques questions et pistes de réflexions. Le texte transmis par Laurent Tessier rend compte des réponses ou ouvertures explorées pendant l’atelier. Depuis la fin du XIXème siècle, le Christianisme Social traverse l’Eglise d’une part et la vie politique d’autre part. Inutile de s’attarder sur l’Eglise, cela nous paraît à tous évident. Pour ce qui est de la vie politique, rappelons que c’est par la construction associative, l’engagement dans l’éducation populaire, la lutte contre l’exclusion au sens large que le Christianisme Social s’investit dans la vie de la cité : les mouvements de scoutisme rendant les jeunes et les femmes autonomes dans leur organisation, la CIMADE et la lutte pour le droit des étrangers, le Mouvement Jeunes Femmes…
Participants, de fait, du mouvement social, ces associations, ces organisations ont dû prendre parti et avoir une intervention dans le Politique. Il s’agissait d’une prise de position collective qui n’avait pas forcément vocation à faire de la politique.
La question qui nous occupe doit dépasser ceci. A gauche, il n’existe pas d’intervention des chrétiens en tant que groupes constitués au sein des partis. Je suis convaincue que c’est une bonne chose, mais on peut tout de même s’interroger sur la tension entre le collectif et l’individuel, et il n’y a pas de réponse figée. Doit-on militer et se donner les moyens de témoigner de notre espérance ou peut-on se réclamer d’un « tout » ?
D’un côté il y a des chrétiens organisés politiquement dans les partis de gauche, partis qui ont lutté contre des institutions religieuses oppressives. Il existe un débat sur leur présence, dans un contexte politique laïc et une vision de la lutte ouvriériste et simplifiée. A cela, une seule réponse me paraît juste : chacun-e doit pouvoir trouver sa place, rien que sa place au sein de son organisation en défendant les positions de celle-ci sans renier son identité qu’elle soit culturelle, spirituelle, sexuelle…
Cette présence prouve qu’il y a des motivations militantes qui sont en tension avec des convictions religieuses. Pour nous, on peut appeler ça la recherche du Royaume sur Terre, avec la volonté de le construire ensemble, à partir d’analyses communes mais en prenant en compte les références diverses.
D’un autre côté, puisque ces militants chrétiens sont là, se pose la question d’une intervention concertée au sein des partis. Ce serait courir le risque de glisser vers le prosélytisme ou de l’intervention « au nom de Dieu ». Je préfère l’idée de pratiques militantes variées qui construisent le mouvement social au jour le jour, chaque croyant y prenant sa part, en fonction de ses convictions politiques et de son analyse de la situation.
L’intervention du Christianisme Social se ferait alors à un autre niveau, une intervention dans le Politique, par des réflexions communes, la mise en perspective d’expériences diverses et effectivement des prises de position nécessaires sur des enjeux de société. Celles-ci pourraient alors se faire en revendiquant notre référence à la Parole.
Devant la violence des attaques sociales et politiques que nous subissons actuellement, je suis certaine que nous n’aurons bientôt plus le choix de prendre parti ou non, que ce soit à titre individuel ou collectif, et quelle que soit la forme que cela doit prendre.
Les grandes questions politiques de la période nous sont imposées par une droite dure, le calendrier nous l’est aussi, il est primordial si ce n’est d’émettre des propositions ou des alternatives, au moins de se positionner. Sur les retraites et plus largement sur la question du travail, sur l’immigration, sur la casse des services publics, sur la répartition des richesses, nous devons nous donner les moyens d’avoir une parole collective.
Mais doit-elle se faire au nom de la Parole ? A quel point doit-elle être construite ou rendre simplement compte de nos réflexions ? Peut-elle se réclamer d’une tradition politique ?