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Appel pour une relance du christianisme social, pour des communes théologiques

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Article publié

Note de lecture

Pour les musulmans

lundi 5 octobre 2015, par :

Edwy Plenel ouvrait le vendredi 2 octobre le Congrès du Christianisme social. Philippe Wender présente son ouvrage, "Pour les musulmans" édité à La Découverte en 2014 et bientôt publié en poche.

Il est très important et tout à fait réjouissant qu’un journaliste, dont la notoriété est indiscutable, réfute avec force, conviction et preuves à l’appui, l’idée insoutenable d’Alain Finkielkraut, selon lequel : « Il y a un problème de l’islam en France… », propos qu’il qualifie d’aussi détestable que néfaste.

En dix courts chapitres, l’auteur développe les raisons qui conduisent à penser et admettre une bonne fois pour toutes, que les musulmans sont des français comme les autres, qu’en conséquence ils ne doivent faire l’objet d’aucune discrimination de quelle que sorte que ce soit.

De façon polémique, mais en l’occurrence tout à fait justifiée, il rappelle d’abord l’évolution mortifère de Finkielkraut qui, après avoir invité en 1980 à penser le monde dans sa globalité plutôt que de le réduire à des identités assignées, est devenu la respectable caution de la plus ordinaire des vulgates racistes.

Il dresse ensuite le tableau inquiétant de la montée du racisme et de la xénophobie en France dont la principale figure est aujourd’hui l’islamophobie. Le discours anti-musulman est porté en priorité par le Front National mais déborde largement ses seuls électeurs. Il réduit les musulmans de France à un islam terroriste et intégriste. C’est contre l’identité de fermeture et d’exclusion qui met en péril la cohésion nationale, qu’il faut écrire Pour les musulmans, et pour la France et ses valeurs telles qu’elles sont rappelées dans le préambule de la constitution de la IVème République : les droits inaliénables et sacrés que possède tout être humain sans distinction de race, de religion, ni de croyance.

Edwy Plenel se place sous le patronage d’Emile Zola qui, quelque dix-huit mois avant le célèbre J’accuse, publie le 16 mai 1896 dans Le Figaro, un article intitulé Pour les juifs. Zola y démonte les préjugés d’un antijudaïsme millénaire, matrice de l’antisémitisme qui fait des juifs un peuple à part, une nation dans la nation. Plenel pense que le même reproche est fait aujourd’hui à l’islam, lequel serait vu par les islamophobes comme un ennemi intérieur menaçant la cohésion nationale.

Les années Sarkozy ont vu se développer, au mépris des lois et de la tradition républicaine, une remise en cause insoutenable du principe d’égalité, non seulement entre les citoyens mais, pire encore, entre les civilisations. C’est ainsi que Claude Guéant déclare début 2012 : « Toutes les civilisations ne se valent pas. » Lorsque le président du Conseil régional et député de la Martinique, Serge Létchimy, tente de lui répliquer sur la base des principes qui fondent notre République, il ne sera pas entendu. Et lorsque, à la suite d’Aimé Césaire, il situe l’origine de cette idée de hiérarchie des humanités et de leurs civilisations au colonialisme et à l’anéantissement des valeurs humanistes sous le nazisme, il provoque le scandale.

La déculpabilisation du racisme et de la xénophobie opérée par la droite n’a pas été suffisamment remise en cause par la gauche revenue au pouvoir. Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur a tenu des propos d’exclusion et de doute envers les musulmans à cause des « terroristes en puissance » qu’ils abriteraient dans leur sein. Il s’est ensuite acharné sur les Roms qui par leur mode de vie « n’auraient pas vocation à s’établir en France ». On a ainsi à faire à un modèle où les pauvres, les inutiles sont pris pour modèles d’exclusion, une exclusion qui ne demande qu’à s’étendre aux musulmans.

Cette exclusion prend la forme insidieuse de l’injonction d’assimilation sous prétexte de conformité au reste de la population. La haine de la religion est l’expression d’un déni social et ceux qui croient trouver dans Marx et sa citation sur la religion opium du peuple, se trompent lourdement. Dans l’esprit de l’auteur du Capital, il faut comprendre l’opium au sens de consolation face à la misère. [Il y a parfois des coïncidences heureuses : c’est ainsi que Stéphane Lavignotte a opéré la même mise au point dans son récent ouvrage « Les religions sont-elles réactionnaires ? »] Contrairement à ce qu’ils pensent, la haine de la religion affichée par certains n’est pas fondée sur la pensée des grandes figures historiques. Au contraire, Lénine, par exemple, dénonce l’anticléricalisme comme un moyen de distraire les ouvriers des problèmes sociaux.

Contre les laïcistes, Plenel reprend les bases de la loi de 1905 de séparation des Eglises et de l’Etat (dont on oublie trop souvent le pluriel). Ce n’est pas une loi de restriction des manifestations religieuses, mais une loi de libération, à la fois de la République vis-à-vis de l’église catholique, mais aussi des juifs et des protestants, de l’illégitimité dans laquelle ils étaient tenus jusqu’alors. Il a cette formule qui en résume bien l’esprit : l’état laïque n’est ni hostile ni indifférent aux religions, il leur est extérieur….

S’appuyant sur la pensée d’Edward W. Said, il nous rappelle que l’idéologie du choc des civilisations nie la grande diversité du monde musulman ce qui interdit d’en faire cet ennemi imaginaire contre lequel l’Occident devrait lutter, et que pour notre part nous devons refuser. Reprenant une thèse de l’historienne Lucette Valensi, il nous invite à démonter la thèse éminemment dangereuse du fondement judéo-chrétien de la civilisation européenne qui, au mépris de la réalité, exclut tous les non-chrétiens de la construction de l’identité européenne contemporaine.

C’est donc contre cette exclusion qu’il faut lutter et contre le refus de voir l’autre comme une personne concrète. Il fait alors appel à Sartre qui publie en1946 Réflexions sur la question juive et nous indique que la peur devant la condition humaine est à la base des racismes et des xénophobies, et surtout que « Les juifs comme aussi bien les arabes et les noirs […] sont citoyens ».

Plenel enfin justifie sa démarche par la nécessaire empathie que nous devons avoir envers les musulmans et toutes les autres victimes de la soi-disant supériorité de la civilisation occidentale. Il peut l’éprouver pour sa part, grâce à la diversité des cultures et aux diverses influences spirituelle qui l’ont façonné 

Philippe Wender


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