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"Caricatures"

Tout est pardonné… ?

samedi 24 janvier 2015, par :

Vous avez reconnu cette phrase. Elle n’est pas seulement magnanime. Elle est à la fois majestueuse et donne à voir un geste souverain. C’est une phrase que prononce le prophète Mohammed sur la « Une » du Charlie Hebdo, sorti une semaine après l’innommable du 7 au 9 janvier passé. Ce « Tout est pardonné… » résonne ici comme une réplique au « tout est accompli » du cri de victoire de Chérif et de Saïd : « Nous avons vengé le Prophète. » Etonnant dialogue post-mortem.

Car, pour faire ce qu’ils ont fait, les frères Kouachi n’étaient pas simplement remplis de mort depuis longtemps, mais déjà de l’autre côté de la vie, c’est évident.

Qui peut ainsi pardonner l’impardonnable ? Les amis de Cabu, Charb, Wolinski, Tignous, etc. ? Non « Mohammed » lui-même en larmes… Ils l’ont fait parler. A moins que ce ne soit son masque, derrière lequel les survivants proclament cette magnanimité souveraine et majestueuse, plus vraie que la mort. Quel étrange message que ce nouveau dessin d’un « Mohammed pardonnant » ! Il vient irradier l’odieuse mort, en lui signifiant ce ou celui à qui revient le dernier mot. Et « Charlie » anticlérical, anti-obscurantiste, trahit son inspiration. Sans faire express !

Jésus a pu dire : « Père, pardonne leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font » (Luc 23.34). On ne pardonne vraiment que l’impardonnable1. Jacques Dérida a défendu ce point de vue comme une manière de fonder, en matière de pardon, une éthique de l’impossible. Ces enfants ignobles, en mission pour d’Al-Qaïda et pour Daech, étaient aussi des bourreaux d’eux-mêmes ! La mort dont ils étaient bourrés remonte jusqu’à leur enfance. Voici un témoignage d’une personne qui les a connu : « Je me souviens de ces gamins dont le père était toujours saoûl, et s’endormait avant que les enfants ne rentrent de l’école. Il fermait à clef, les enfants dormaient dans les escaliers. Nous faisions des signalements, mais même les professeurs ne disaient rien… C’est une société entière qu’il faut condamner d’avoir laissé grandir des enfants dans une telle misère. » Comprendre n’est pas justifier. Car si le mal n’intervient que dans un contexte, il ne garde pas moins toute son opacité.

Seul le Dieu biblique peut pardonner l’impardonnable et lui seul peut dire, à partir de l’échec et de la souffrance et de la mort ; « Tout est pardonné. » Sans orgueil, sans provocation. Avec des larmes de l’amour. « Le pardon est fou, il doit s’enfoncer, …, dans la nuit de l’inintelligible » et c’est pour cela, je crois, que le bas-judaïsme en faisait l’apanage de Dieu.

Car le pardon se distingue de la justice. Il la surpasse.
Philippe B. Kabongo-Mbaya


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